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Dictionnaire Samoa-Francais-Anglais et Francais-Samoa-anglais : precede d'une grammaire de la langue samoa

Introduction

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Introduction

Omnis lingua confiteatur quia Dominus
Jesus Christus in gloria est Dei patris.
Saint Paul, philip., II, 11.
Jesus Christus heri et hodie, ipse et in sæcula.
Saint Paul, Hébr., XIII, 8.

L'archipel Samoa, nommé par Bougainville archipel des Navigateurs, sans doute à cause du grand nombre de pirogues, qu'il y vit et de l'habiletè des insulaires à les diriger, occupe la partie centrale de la Polynésie. II est compris entre le 17le et le 176e degré de longitude ouest et entre le 13e et le 15e degre de latitude sud.

II se compose de trois grandes îles : Savaii, Upolu et Tutuila, et de quelques îles moins étendues. Deux de ces dernieres, Manono et Apolima, sont situées dans le canal profond qui separe Savaii d'Upolu. Plusieurs autres forment le groupe de Manna, à environ 50 milles à l'est de Tutuila.

Savaii a 55 lieues de circonference, Upolu 45 et Tutuila 30. La population a dú être plus nombreuse qu'elle n'est aujourd'hui, si l'on en juge par les traces d'habitations disséminées partout dans l'intérieur.

Toutes ces îles sont de formation volcanique, et les trois grandes sont ornées de hautes montagnes couvertes d'une riche végétation. Le sommet du grand mu, dans Savaii, est un volcan éteint, dont la lave noire et luisante s'étend au loin. Les villages se trouvent dissemines non-seulement sur les bords de la mer, mais encore le long des cours d'eau, nombreux dans Upolu et Savaii. Ils sont reliés par des sentiers étroits dont les ombrages ne manquent pas de beauté. Des chemins appelés par les naturels chemins des page VIII ailu, parce qu'ils croyaient autrefois que leurs divinités en étaient les auteurs, sont peut-être les derniers vestiges d'une ancienne civilisation.

Le terrain est généralement très-fertile en taros, ignames, bananes, cocos et fruits à pain. Les missionnaires ont introduit la culture du coton et de plusieurs autres plantes utiles.

De nombreux oiseaux peuplent l'archipel. On remarque surtout : le lupe, pigeon sauvage très-multiplié dans les bois; le manumea, espèce de poule sauvage qui, dit-on, se rencontre seulement aux Samoa; le séga, jolie petite perruche; le fuia, merle tres-vorace; le manu alii, appelé sans doute de ce nom à cause de son allure majestueuse et de son beau plumage noir; il habite les marécages où il vit de la racine du taro. On y voit en outre le vea, coucou muet qui vit non loin des habitations; le tavaé, le melomelo, le sao, le matamemclo, le lau ulu piipii, le tolai, etc...

La grosse chauve-souris, appelée peà. se trouve là comme dans presque toute I'Ocèanie.

Le cochon (puaà), le chien (maile), le chat (pusi), le rat (imoa) et la souris (isumu) sont les quadrupédes le plus anciennement connus à Samoa. On y rencontre des lézards et des serpents inoffensifs.

Les poissons et les mollusques sont nombreux et trèsvariés d'espèces et de couleurs. Ils sont d'un beautè ravisante.

Sur certaines côtes on fait la pêche au requin (malie) et à l'huître perlière. On trouve le fai, espèce de raie ayant à sa très-longue queue deux petits os appelés foto dont la blessure est irrémédiablement mortelle. Les principales pêches faites en grand appareil sont celles de la bonite (atu et atule, la grande et la petite bonite). Une époque remarquable est celle où se montre le palolo, dont les page IX naturels font leur nourriture pendant les quelques jours de sa singuliére apparition.

La flore comprend les grands arbres des tropiques et quelques plantes à fleurs magnifiques. Le cocotier abonde. L'ulu donne le fruit à pain, et son bois inaltérable fait de beaux meubles. Le pani et l'asi sont d'un bois incorruptible et s'emploient à la construction des maisons. Le mosooi, appelé l'olivier du paradis, porte une fleur jaune d'une odeur caractéristique qui se répand au loin; son bois très-léger sert à faire les petites embarcations. Le seasea est un arbre rabougri, à fruits trés-odorants avec lesquels les naturels font des colliers. Le fruit du nonufiafia est trés-parfumé; celui de l'atone est la principale nourriture des lupe. Le fau n'est autre que le bourao de Tahiti; avec son écorce on fait des cordes excellentes. Le fuafua se développe démesurément et sa fleur ressemble à notre lilas. Le tavai est un arbre de haute futaie et de forme bien régulière; son bois est très-odorant quand on le brûle. Les lupe et d'autres oiseaux se nourrissent de ses fruits. L'ifi, fort beau châtaigner samoan dont les grappes de petites fleurs blanchâtres répandent une suave odeur en août et en septembre, produit un excellent fruit conslituant la nourriture des naturels pendant un ou deux mois de l'année et aux époques de disette. Le lama pousse rapidement; il s'élève à dix mètres environ. Son feuillage a une grande analogie avec celui du platane, et sa fleur blanche ressemble à celle du sureau. Son fruit renferme une noix bonne à manger quand elle est fraîche. Elle a cependant l'inconvénient d'être trop grasse. Les naturels l'utilisent pour faire des bougies (1)1. Le mââli, ma

1 Pour faire ces bougies, les indigènes débarrassent les noix de leurs coquilles et ils les enfilent à une côte de feuille de cocotier. Cinquante ou soixante fruits ainsi enfilés donnent une bougie qui brûle toute une nuit. Il suffit d'allumer la noix la plus élevée; l'huile en excès coule sur la suivante et la rend ainsi facilement inflammable lorsque la précédente finit de brûler.

Cette noix est en outre nche en noir végétal que l'on recueille en condensant la fumée provenant de sa combustion. Les indigenes formaient avec ce noir de fumée un magnifique cirage qu'ils introduisaient dans les plaies saignantes faites par les peignes à dents de requin avec lesquels on tatouait. Ce noir se fixait solidement dans les chairs et faisait parfaitement ressortir en noir les dessins du tatouage.

page X gnifique arbre des forêts, fournit une résine très-parfumee. Les indigenès composent avec cette résine et une huile neutre un vernis dont ils ont l'habitude d'oindre les morts et de se servir quelquefois eux-mêmes comme parfum. l'ifiifi a un magnifique feuillage, et son fruit, de la grosseur d'une grosse pêche, entre dans la composition d'une pâte parfumée très-estimée des Samoans (1)1. Le gatae, arbre fort élevé, au bois épineux, contraste en hiver (de mai à août) avec les autres arbres par la perte de son feuillage; il se couvre au printemps (août) de magnifiques fleurs rouges parmi lesquelles se jouent les perruches. Le toi, au feuillage pâle comme celui de l'olivier, fournit un bois tortueux bon pour les constructions et un fruit dont sa nourrissent les oiseaux. Le talaga est un arbuste à superbes grappes de fleurs rouges et blanches. L'anacoso, plante grimpante et épineuse, gêne beaucoup dans le défrichement des terrains. Le matamata moso (yeux de moso),

1 Le fruit de l'ifiifi ne sert qu'à la toilette des naturels; son arôme est réputé très-délicat.

Voici comment on l'emploie : on en mâche l'amande de facon à former une pâte homogene, mais sans l'imbiber de salive (spécialité océanienne). On mêle cette pâte avec celle du lama et on enduit du mélange ses cheveux, lavés à grande eau après un parfait nettoyage à l'acide citrique. Le Samoan donne artistement quelques coups de peigne dans sa chevelure ainsi parfumée, l'ornemente de quelques fleurs naturelles, particulièrement de fleurs d'aute, et il peut alors se faire accepter aux soirées du pays.

page XI est une plante grimpante dont la jolie graine rouge et noire rappelle sans doute aux naturels les yeux rouges d'un de leurs génies appelé moso. Ces petits diamants de Samoa servent á faire des parures pour les soirées dansantes. Une espèce de fort joli volubilis blanc s'epanouit le soir et embaume les lieux où il croît. Le soi, tubercule se multipliant naturellement et sans culture, sert à faire, en le triturant après l'avoir cuit sous la cendre, une pâte employée à boucher les fentes des embarcations. Parmi diverses espèces de lianes, le fue-afa se fait remarquer par sa longévité et sa taille; on le rencontre dans les bois, avec un tronc prodigieux, enlaçant les plus grands arbres et s'etendant à des distances considérables. Il porte des gousses de plus de 4 pieds de long, renfermant chacune de 10 à 15 fruits de 1 décimétre de large, l'aute, à belle fleur rouge et rose, ressemble à l'altea d'Europe. Le pua porte une fleur très-odorante, semblable à la fleur de notre datura. Le lega (curcuma) sert aux naturels pour peindre les siapo et pour se teindre les cheveux. Une grande variété de zinnia croît à Apia (1)1.

Comme la plupart des lies de l'Océanie, l'archipel Samoa est quelquefois dévasté par de terribles ouragans qui renversent les cocotiers et détruisent les habitations et les récoltes. Do légères secousses de tremblement de terre se font sentir assez fréquemment.

L'année se divise en deux saisons généralement bien caractérisées: la saison pluvieuse (Va i palolo) comprend de septembre en février inclusivement, l'espace de temps entre les deux apparitions du palolo et la saison séche (va i toélau) de mars en août inclusivement, c'est-à-dire

1 Nous avons pu procurer aux serres du Museum et du Luxembourg des graines de quelques-unes de ces plantes.

page XII I'époque des vents alisés. Quand il ne pleut pas durant la saison des pluies, comme cela a eu lieu cette année (1878), la récolte est trés-compromise et les naturels sont souvent réduits à se nourrir de fruits sauvages.

Un fait bizarre vient de se produire. Au commencement de 1878, le niveau de la mer a baissé tout à coup d'une maniere fort considérable et ne paraissait plus vouloir remonter. C'était à peine si aux plus fortes marées les embarcations pouvaient voyager dans l'intérieur des récifs. Ce phénomène a été remarqué en même temps aux îles Tokelau, situées à 300 milles de Samoa.

Apia, sur la côte Nord d'Upolu, est le point le plus frequenté de l'archipel. C'est un beau port, d'un facile acces. Les navires y sont complétement en sûreté pendant toute la saison des vents alisés, de la fin de février jusqu'au mois de septembre. Durant les autres mois de l'année, il n'est pas sans quelque danger, mais seulement s'il survient une grande tempête.

C'est dans ce port que sont établis les plus grands commerçants. L'huile de coco est la ressource du pays et le principal objet de son trafic. Les Américains, les Anglais et les Allemands surtout depuis 1870, y ont de grandes relations commerciales.

Le port de Pago-pago, à Tutuila, le plus beau, le plus facile et le plus sûr de tout l'archipel, appartient depuis plusieurs années aux États-Unis d'Amérique. On annonçait, il y a pen de temps, la prise de possession d'Upolu par les Allemands.

Le Samoan est bien fait, d'une belle taille et d'un joli teint bronzé. Il parfume et colore ordinairement sa chevelure qu'il frise de façons très-diverses.

Il est hospitalier et poli; son goût pour les cérémonies et pour le chant répond à de grandes dispositions natu- page XIII relles. Il est calme, digne, éloquent dans les grandes assemblées où se traitent les affaires du pays, aussi bien que dans les réceptions solennelles. Les chefs se montrent généralement fermes dans le maintien des lois et des usages.

Une large étoffe (1)1, faite d'écorce d'arbres, compose tout le costume des naturels. Les plus distingués portent maintenant une chemise blanche.

Leurs cases sont formées d'un léger toit de chaume porté par de courts piliers de bois; elles sont ouvertes à tous les vents. On y entre par un côté, considéré par les naturels comme la grande façade.

Autrefois le tupu (grand chef ou roi), élu par l'assemblée des chefs (2)2, était respecté comme un Dieu. Le peuple était adonné à de nombreuses superstitions. Il attribuait les maladies aux possessions par les aitu.

Les aitu etaient pour lui des génies malfaisants, habitant l'intérieur de la terre, les cavernes, les profondeurs des mers, etc. Il avait une grande crainte de ces génies, il en faisait des idoles auxquelles on offrait des sacrifices (3)3. La loi du tapu était observée rigoureusement. Des signes, appeles tapui, étaient suspendus aux arbres pour indiquer qu'un lieu était tapu. A la mort des chefs, il était ordinaire que la vie de quelques personnes fût sacrifiée.

Les cérémonies des sépultures se faisaient trés-solennellement. On brûlait les corps avec des parfums, ou bien on les embaumait et on les enveloppait ensuite de siapo.

1 L'étoffe samoanne appelee Siapo est faite de larges feuilles (lafi) de launa, écorce de I'ua (mûrier à papier) battue avec un maillet en bois, collées ensemble avec l'arrow-root. Ces Siapo sont ordinairement peints de diverses couleurs.

2 L'assemblé&e, appelée taupulega, se composait des chefs (taimua) et des tulafale (orateurs de l'assemblée).

3 On rencontre en quelques lieux des pierres appelées faàvavau, ayant quelque ressemblance avec la forme humaine.

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La polygamie était en usage parmi les chefs. Pendant le temps non consacré à la navigation, à la pêche et aux fêtes, le Samoan menait une vie oisive et parfois licencieuse. Les voyages par troupes nombreuses (malaga), les réunions païennes et les danses nocturnes étaient l'occasion de désordres considérables.

Déjà le catholieisme a beaucoup amélioré les mœurs de cet archipel. Malheureusement le gouvernement est assez mal organisé. Le manque d'entente entre les chefs pour le choix du roi et des ambitions rivales ont causé de longues guerres désastreuses pour le pays. Depuis plusieurs années les blancs ont poussé à ces guerres, et, à la faveur des divisions suscitées parmi les chefs, ils ont acheté à vil prix une grande partie des terres.

Bientôt la face de ces îles sera entierement changée. Que seront devenus, dans quelques années, Samoa et ses habitants indigènes? Il n'y aura plus désormais qu'une population mélangée, dont le langage rappellera fort imparfaitement la langue primitive.

C'est pour conserver cette langue dans son intégrité que nous publions aujourd'hui un travail très-complet d'un des plus anciens missionnaires catholiques qui, depuis 1845, continue à évangéliser les tribus de l'archipel Samoa.

Monseigneur Elloy, dont nous pleurons la mort prématurée survenue après un dévouement de plus de vingt années au bonheur de ces naturels, nous disait rècemment: « Le vocabulaire du P. Violette est l'œuvre la plus compléte que l'on puisse faire sur la langue de Samoa, l'une des plus répandues de toutes les langues océaniennes. Elle se parle en effet dans tout l'archipel et elle est comprise par les indigènes qui habitent des îles trèséloignées. J'ai pu me faire entendre aux tokelau, en parlant page XV le Samoa. Je considère cette langue comme un des dialectes les plus importants de la langue polynésienne.»

S'il est vrai, comme on l'a dit, que la Nouvelle-Zélande et Rotuma ont été peuplées par des naturels venus de Samoa, nous pensons aussi que la langue dont nous donnons la grammaire et le vocabulaire est une des plus intéressantes de l'Océanie.

Le P. Violette a mis tous ses soins à ce travail, dont il s'est occupé dès son arrivée. Depuis longtemps son manuscrit est la ressource des missionnaires, qui se forment à la connaissance de la langue en le transcrivant. La copie faite parl'un d'eux, parti de France depuis plus de 20 ans, aujourd'hui directeur du collége de Vaea à Apia, nous a beaucoup servi pour en déchiffrer les passages d'une lecture difficile.

Comme tous nos missionnaires, le P. Violette se faisait un plaisir d'être utile à tous et de communiquer son manuscrit à ceux qui désiraient en prendre connaissance. Il a permis qu'il fût copié, comme l'ont été le manuscrit de Mgr Bataillon sur la langue de Wallis et quelques autres, par des amateurs de linguistique; mais il ne songeait point à le publier.

Ce travail considérable serait resté inédit, si le généreux concours de plusieurs savants n'était venu décider un éditeur, connu pour son devouement aux publications de linguistique, à se charger de l'impression, comme il avait bien voulu le faire déjà pour le vocabulaire Futunien du P. Grézel.

Qu'il nous soit permis de les remercier ici, au nom de nos missionnaires et de la science.

Pour les publications ultérieures, nous faisons appel à tous ceux qui s'intéressent à l'honneur des missions et au progrès de la philologie et de l'ethnographie, dont on s'occupe tant à notre époque.

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Nous osons espérer que, grâce à leur bienveillant concours, les ressources ne nous feront pas défaut, à mesure que de nouveaux manuscrits seront envoyés par nos missionnaires.

Ce sera pour nous une satisfaction d'avoir contribué, selon nos faibles moyens, à fournir des matériaux à la science.

C. A. s. m.

Paris 1878. L. J. C. et M. V. I.