Nous n'avons pointa nous occuper de la pathologie des individus composant les sociétés, ni de la pathologie comparée, qui étudie les maladies spéciales à cerlaines races, non plus que des maladies spéciales à certaines professions sociales (intoxications, goutte, etc.).

La pathologie sociale comprend l'étude des diverses maladies auxquelles un organisme social est exposé. Qu'est-ce qu'une maladie sociale? «Comme dans la vie des États, dit M. Virchow, de même aussi dans la vie des individus, l'état de santé de l'ensemble est produit par le bien-être et l'intimité des relations des membres isoles. Dès qu'un membre quelconque commence à tomber dans une inactivité nuisible à la communauté ou même page 22 à mener une existence parasite aux dépens de l'ensemble, la maladie a pris naissance.»

La pathologie sociale doit être étudiée dans l'espace, c'est-à-dire dans les modifications que lui imprime le climat, et dans le temps, c'est-à-dire dans les modifications que lui impriment les variations de l'état social.

Ainsi les nations présentent certaines maladies épidémiques à certaines époques de leur développement : chorées épidémiques (Boudin); en Allemagne, danse de Saint-Guy au xiv^e siècle; au xv^e siècle, tarentisme en Italie; au xvv^e siècle, toute l'Europe est en convulsion. Actuellement régnent le ramaninjana à Madagascar, le tigretier en Abyssinie, l'astaragaza en Éthiopie. Ces maladies se rattachent à un état intellectuel auquel la religion n'est pas étrangère.

Il y a donc une sorte d'évolution pathologique propre à chaque société.

Suivant nous, on peut faire la pathologie interne des sociétés, de môme que leur pathologie externe, voire même leur tératologie.

La pathologie sociale comprend l'étude de tous les troubles locaux et généraux dont les sociétés sont le siège : chômage, grève, révolte et tous les autres accidents se rapportant aux révolutions politiques et sociales.

De plus, les crimes et les sinistres (épizootie, incendie, inondations, etc.) relèvent de la pathologie sociale.

Pathologie interne.

Nous ne pouvons traiter dans ce programme cette branche de la Sociologie; nous voulons dire seulement quelques mots des maladies sociales les plus fréquentes.

Anémie sociale.— Si la société manque de ressources, il y a disette, alors les individus les plus faibles succombent à la famine. Quand la famine est extrême, les individus s'entre-dévorent (antropophagie correspondant à l'autophagie biologique). C'est ce qui est arrivé au xI^e siècle en Europe, et dernièrement en Algérie et en Perse.

Ordre dans lequel les individus qui doivent être victimes disparaissent.

Histoire des famines qui ont décimé l'Europe.

Influence des disettes sur le développement de l'être social, «

«Danslesannées de cherté excessive du blé, la mortalité augmente; les naissances, les mariages diminuent.» (Bouchardat.)

Ces épidémies, ces famines pourraient étre étudiées aussi bien en biologie qu'en sociologie.

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Cependant il est de véritables maladies sociales causées, il est vrai, par la non satisfaction des'besoins physiologiques, mais dont l'étude appartient spécialement à la Sociologie.

En Biologie comme en Sociologie, en cas de déficit du budget, le gouvernement prélève des impôts; seulement, en biologie l'impôt est proportionnel.

Autre exemple de maladie sociale. Sous l'influence do certaines irritations toutes produites par la non satisfaction des besoins organiques, une partie de la société peut s'enflammer : généralement ce sont les corporations ouvrières (inflammation du tube digestif et de ses annexes). Les individus se révoltent (grèves, révoltes, etc.) et sont expulsés,à moins qu'on ne fasse droit à leurs réclamations. Il en résulte un cercle vicieux : le commerce est arrêté, parce que l'industrie ne fonctionne pas, et réciproquement.

La grande querelle des membres et de l'estomac peut être étudiée ici.

Les maladies doivent être étudiées dans la série sociale tout entière.

Pathologie externe.

Une société est détruite par la violence (partage de la Pologne), ou lésée plus ou moins gravement (perte de l'Alsace et de la Lorraine).

Tératologie-sociale.

«Chez un peuple, la prédominance d'une caste reproduit, par un arrêt de civilisation, l'un de ces états du corps humain que l'on appelait autrefois les monstruosités, avant que la tératologie nous eût expliqué leurs conditions physiologiques de formation.» (Dr Guépin.)

Thérapeutique sociale

Opérations chirurgicales. La décapitalisation de Paris a eu pour but d'empêcher les troubles de l'industrie de rejaillir sur le gouvernement et peut être considérée comme une opération chirurgicale. Actuellement, les ministères sont à Paris, le pouvoir législatif est à Versailles, Cette séparation chirurgicale des pouvoirs occasionne forcément des retards dans l'expédition des affaires. Il est évident que, si, en biologie, la moelle allongée, où siègent les ministères, n'était pas en communication directe avec les hémisphères cérébaux, où siège le pouvoir délibératif, le temps nécessaire à la transmission des ordres serait accru et les mouvements de l'être seraient ralentis.

«L'économie humaine, dit M. le docteur Guépin, fléchit quand page 24 un des organes, un seul, est malade. L'économie sociale souffre, est malade, quand il existe dans son sein des membres ou organes fie la société qui ne peuvent fonctionner selon les conditions régulières et physiologiques de leur vie... Constamment dans l'état de santé, chaque organe reçoit selon ses besoins, et ses be-soins sont proportionnels à son travail, admirable exemple pour I'organisation sociale. Puisse un jour l'humanité le mettre à profit.»

En ce qui concerne l'avenir, suivant nous, à mesure que les sociétés s'organiseront, la solidarité entre les individus, les corporations, les fonctions, ira toujours en augmentant. Actuellement on peut enlever à la société française deux provinces, sans qu'elle s'en aperçoive, ce qui prouve que nos sociétés actuelles sont tout à fait inférieures. Plus tard, la plus petite lésion du plus petit groupe social aura son retentissement dans toute la société,