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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 85

Chapitre II. — Anatomie sociale. — Anatomie GéNéRale De l'individu en Sociologie

Chapitre II.

Anatomie sociale.

Anatomie GéNéRale De l'individu en Sociologie,

Dans le règne social comme dans les règnes minéral, végétal e t animal, l'individu varie suivant le point de vue auquel on se place. Ainsi en botanique, pour les anciens l'arbre entier était l'individu; page 8 pour certains naturalistes, c'est la cellule; pour Darwin, c'est le bourgeon.

Dans l'histoire de l'humanité, lequel est l'individu de la race, de l'état, de la famille?» dit M.Nœgelé;etil ajoute: Tout dans la nature est individuel, depuis les atomes infiniment petits jusqu'aux corps célestes et aux systèmes de corps célestes, depuis l'atome infiniment simple jusqu'aux organismes infiniment composés et aux séries entières d'organismes que nous embrassons sous les noms d'espèce, classe, règne.»

En sociologie, comme en biologie et en physique, nous trouvons une série d'individus, L'animal est l'individu dont se compose la famille;celle-ci est l'individu dont se compose la tribu, qui ellemême est un individu par rapport à la nation. Mais l'individu primaire est l'animal sociable, l'homme est l'élément anatojnique dassociétés humaines.

Propriétés des individus sociaux,

L'étude de l'animal et de ses propriétés organiques appartient à la biologie et ne rentre pas dans le cadre de ce travail. Toutefois certaines considérations biologiques ont une telle portée sociale que nous ne pouvons les passer sous silence.

Considéré d'une manière générale et partout où il se trouve, l'individu social varie avec les races dont il fait partie. L'ethnologie est la science qui étudie ces variations de configuration, de couleur, etc.

De plus, l'anatomie et la physiologie des éléments sociaux varient dans chaque société suivant l'âge, le sexe, la profession, etc.

Dans chaque société, nous trouvons des individus dinstincts par l'âge et par le sexe (hommes, femmes, enfants, vieillards, etc.). Au point de vue de l'âge; les individus ne sont pas aptes à remplir leurs fondions dès leur naissance. À leur naissance tous les individus se ressemblent. Ce n'est qu'en se développant qu'ils acquièrent une fonction spéciale. Mais pour cela il faut qu'ils aient atteint un certain degré de développement (stage, apprentissage, limite d'âge, examen, concours), etc. En outre, quand ils ont fonctionné pendant un certain temps, ils deviennent incapables de remplir leurs fonctions et s'en vont pour faire place aux jeunes (retraites, etc.).

D'autres causes que la vieillesse peuvent empêcher les individus de remplir leur rôle social. Telles sont l'hypertrophie, l'atrophieou anémie, les infirmités, les blessures et les maladies. En biologie comme en sociologie, chaque élément anatomique remplit un rôle page 9 qui lui est propre et s'altère d'une manière qui lui est spéciale. Chaque profession a ses maladies et sa longévité propres.

D'autres causes peuvent abréger la durée des fonctions sociales; mais comme elles sont purement sociales, elles doivent être étudiées en Sociologie (service militaire, etc.)

Eu résumé, en Sociologie comme en biologie, chaque fonction s'obtient, se remplit, se perd d'une manière qui lui est propre.

Tous les hommes, parties constituantes des sociétés humaines, se nourrissent, se développent, se reproduisent, se meuvent, sentent, pensent, veulent. Mais ces propriétés individuelles ne sont pas également développées chez tous les individus de la société.

Au point de vue de la nutrition, les uns ne peuvent se nourrir eux-mêmes (enfants, infirmes, vieillards, malades) et sont à la charge de l'État.

Au point de vue de la reproduction, pour que l'individu puisse se reproduire, il faut qu'il ait acquis un certain développement et qu'il soit nubile. En outre, il est démontré, dans notre société française par exemple, que les classes inférieures ont plus d'enfants que les classes supérieures.

Dans les sociétés supérieures, les individus se distinguent par la profession. Chez les uns, le système musculaire prédomine sur le système nerveux (ouvriers, paysans, manœuvres des compagnies de chemin de fer, des ponts et chaussées, etc.). Au contraire, le système nerveux est plus développé que le système musculaire chez ceux qui jouent un rôle dans les administrations publiques et privées et qui pensent plus qu'ils ne se meuvent. En un mot, la dissemblance des individus ou catégories d'individus augmente avec la spécialisation du travail à mesure qu'on s'élève dans l'échelle des sociétés, la spécialisation du travail ayant pour résultat de n'exercer que certaines parties très-limitées de l'organisme au détriment des autres.

Modes de groupement des individus sociaux.

En Sociologie, plus que partout ailleurs, la dynamique domine la statique; il est difficile do considérer les êtres sociaux ou les groupes d'êtres sociaux indépendamment du ròle qu'ils remplissent, et c'est pourquoi nous ne pouvons séparer d'une manière complète l'anatomie de la physiologie sociale.

Étant donné que les sociétés sont des organismes vivants, il faut absolument que ces organismes comprennent les organes indispensables à la vie. La vie végétale, la vie animale, la vie sociale ne page 10 peuvent se manifester que par l'intermédiaire de fonctions qui sont les mômes chez tous les êtres organisés. Suivant nous, il y a une biologie générale, qui étudie la vie dans les règnes végétal, animal et social. Cette biologie nous apprend que chez les plantes, chez les animaux, comme chez les sociétés, en un mot chez tous les êtres vivants, la vie résulte de l'exercice de certaines fonctions sans lesquelles elle ne saurait exister. Or, ces fonctions nous sont déjà connues. En somme, qu'est-ce que la vie, sinon la nutrition? et qu'est-ce que la nutrition, sinon un échange continu de matière entre l'organisme et le monde extérieur? Comment la matière pénètre-t-elle dans l'organisme? Par l'absorption. Comment en sort-elle? Par l'excrétion. Mais la matière ne peut ètre assimilée qu'autant qu'elle a subi certaines transformations (digestion). En outre, pour qu'elle soit absorbée par tous les individus composant un organisme quelconque, plante, animal ou société, il faut qu'elle circule dans toutes les parties de cet organisme (circulation). Les divers individus d'un organisme ont certains rapports entre eux et avec le monde extérieur, et ces différents rapports ne peuvent s'effectuer qu'au moyen de functions de relation. Enfin l'espèce dont fait partie l'individu, plante, animal ou société, périrait, s'il ne se reproduisait pas au moyen de la fonction de reproduction.

Donc les fonctions vitales que nous venons d'énumérer sont indispensables à la vie, considérée d'une manière générale partout où elle existe. De plus, il est évident qu'il ne peut y en avoir d'autres que celles-là. Si nous insistons sur cette biologie générale, c'est pour montrer qu'il y a plus qu'une analogie entre les phénomènes sociaux et les autres phénomènes vitaux déjà connus, et que la comparaison de l'ensemble des objets de consommation d'une société au sang d'un animal par exemple n'est pas plus métaphorique que celle du sang à la séve des végétaux.

Il s'agit maintenant de retrouver dans la société les fonctions de nutrition, de relation et de reproduction qui doivent y exister par ce seul fait qu'elle est un organismo vivant.

Quelle est la fonction qui fournit la matière première en sociologie? C'est Y agriculture.

Quelle est celle qui la transforme en produits assimilables? C'est l'industrie.

Quelle est celle qui fait circuler ces produits? C'est le commerce.

Quelle est celle qui règle les rapports de ces fonctions de nutrition entre elles et avec le monde extérieur? C'est le gouvernement.

Quant à la fonction de reproduction, c'est la colonisation.

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Sur cette question de la détermination des différentes fonctions sociales, nous sommes heureux de noua trouver d'accord avec M. Paul Bert qui, le premier croyons-nous, dans une conférence faite à Auxerre, il y a quelque? années, a montré dans les sociétés les fonctions de la vie des individus. «Les éléments, dit M. Bert, sont les citoyens du corps de la république organisée. Ces citoyens ont des propriétés, qui sont communes à tous et d'autres qui sont spéciales à quelques-uns.

Ils ne vivent pas isolés, mais réunis les uns aux autres en sociétés.

Tantôt ces sociétés ne comprennent que des citoyens tous semblables: ce sont des corporations (des systèmes comme les systèmes musculaire, nerveux, etc.). Tantôt elles comprennent des citoyens différents les uns des autres et concourant tous à un but, à une œuvre déterminée: tels sont les organes comparables aux villes.

Enfin le sang, comparable aux ressources de l'agriculture et de l'industrie, nourrit les éléments comme elles nourrissent les citoyens, et il circule dans ses canaux, sous la force impulsive du cœur, comme elles circulent sur les grandes routes poussées par le commerce.

Ainsi sont établies les conditions de la vie pour les organes comme pour les sociétés.

Ces sociétés ne sont pas isolées les unes des autres, elles ne concentrent pas leur activité en elles-mêmes, elles la manifestent au dehors. De plus, elles obéissent aux lois do l'État dont elles font partie. Elles sont dirigées, surveillées, protégées par un gouvernement. Ce gouvernement, c'est le système nerveux... Ce sont elles qui le nourrissent. Chacun des éléments agissant dans sa sphère prépare des matériaux que le sang emporte et avec lesquels il nourrit le système nerveux. S'ils cessaient tous de travailler, le gouvernement mourrait d'inanition et eux aussi. C'est ce qui arrive à la fin quand l'organisme meurt.

Il y a des gouvernements locaux agissant dans une circonscription déterminée. On les appelle dans l'organisme ganglions, moelle épinière, ils sont en rapport avec les villes et les citoyens, les organes et les éléments, par des fils télégraphiques, des nerfs qui les avertissent de ce qui se passe, qui transmettent leurs ordres. Pour toutes les questions dont l'intérêt ne dépasse pas leur circonscription, ils jugent en dernier ressort, pour les autres, ils entrent en communication les uns avec les autres, se consultent, agissent en commun. Pour les plus grandes enfin, page 12 celles dont l'intérêt embrasse le pays tout entier, ils ont recours au gouvernement central. Celui-ci réside dans la tête; c'est une partie de ce qu'on appelle l'encéphale.

Là sont les ministères, les organes centralisateurs, régulateurs, qui envoient des ordres à l'empire tout entier, à toute la machine vivante. Nous verrons tout à l'heure quels ils sont.

Au-dessus d'eux plane la volonté, l'intelligence, le chef de l'État. Quand il commande, tout obéit. C'est lui surtout qui veille aux relations extérieures. S'il est intelligent, énergique s'il utilise bien les forces du pays, le pays est glorieux; et de même si l'intelligence emploie heureusement les forces vives de l'organisme, l'être vivant exécute normalement ses fonctions. Mais il n'a pas besoin do s'occuper du détail des questions intérieures. Que deviendrait un chef d'État s'il lui fallait s'occuper de la charrue de chaque citoyen? Que deviendrait l'intelligence s'il lui fallait s'occuper de la digestion, de la nutrition, de l'excrétion, etc.? Tout cela se fait sans elle. Les ministères, les gouvernements locaux, sen chargent; le mécanisme, l'automate, est si bien monté, que tous ces détails de pot-au-feu s'exécutent sans qu'il s'en occupe et lui laissent sa liberté. Lui aussi ce chef de l'État réside dans la tète; c'est un organe spécial, le cerveau proprement dit.

A ses ordres ou à ceux de ces ministères, avons-nous dit, tout obéit. Les lois commandent au commerce. C'est le système nerveux en effet qui règle les battements du cœur, les accélère ou les arrête, c'est lui qui dilate les vaisseaux dans lesquels circule le sang, ou qui les rétrécit. C'est lui qui anime les organes digestifs, qui veille aux mouvements de la respiration, qui est l'incitant des sécrétions, le régulateur de la chaleur animale.

Les gouvernements locaux de l'organisme reçoivent leurs avis tous par la même voie : c'est le toucher général, le toucher de la peau qui les avertit. Mais le gouvernement général a d'aulres ressources : il a, si je puis ainsi dire, une police spéciale, supérieure, admirablement organisée. Celte police, ce sont les sens, la vue, l'ouïe, 'odorat, le goût, qui l'avertissent de tout ce qui se passe de près ou de loin et qui lui permettent de veiller au salut du pays tout entier.

Le chef de l'Etat, le cerveau, n'est point directement impressionné par cette police. Ce n'est pas lui qui reçoit les nerfs quiviennent des organes des sens....

Dans l'état ordinaire des choses, l'intelligence ne sent pas les mouvements intimes de la nutrition; mais qu'un phénomène page 13 anomal se présente, la douleur l'avertit; Je chef de l'État s'occupe de cette rébellion, il commande et tout s'ébranle pour conjurer le mal ou pour l'étouffer et rejeter la partie malade, le citoyen rebelle.»

D'après le système do M. Paul Bert, nous retrouvons en anatomie sociale tout ce que comprend l'anatomie proprement dite, c'est-à-dire les éléments sociaux, les tissus, les organes, les systèmes et les appareils.

Tissu.—Un tissu social est une partiedu corps social qui résulte do la réunion d'une ou de plusieurs espèces d'individus associés dans un ordre déterminé.

Dans un tissu, on distingue des éléments principaux et des accessoires. Dans les fabriques, par exemple, il y a un maître, un contre-maître, des employés, un payeur, etc., qui représentent les éléments accessoires, mais l'élément qui prédomine, l'élément principal est représenté par les ouvriers.

Parmi les tissus, les uns sont permanents, les autres sont temporaires; les uns sont constituants, les autres sont produits et émanent des constituants, comme l'armée par exemple.

Dans les tissus multiples, les propriétés résultent do l'ensemble des éléments.

Système.—On appelle système social l'ensemble des métiers et professions de mémo espèce considérés comme formant un tout. Ce sont les corporations.

Organe.— On appelle organe social une partie du corps social formée parla réunion d'ouvriers de plusieurs professions, constitués en atelier ou en groupe d'ateliers. Une ferme, un corps d'armée, une usine, une ville manufacturière comme Rouen, Roubaix, Limoges, le Creuzot, sont des organes ou des réunions d'organes similaires. Chaque organe comprend plusieurs sortes de professions. Dans chaque organe, il y a une administration (système nerveux) et des professions diverses. Dans la mine du Creuzot, par exemple, il y a des mineurs, des chargeurs, des camionneurs, etc.; dans l'usine annexée à la mine, il y a des mécaniciens, des serruriers, etc.

Appareil,—L'ensemble des organes d'espèce diverse qui concourt à une même fonction prend le nom d'appareil.

Tous les ouvriers qui fournissent la matière première forment un appareil analogue à celui do la locomotion et qu'on appelle l'agriculture.

Tous les organes sociaux, tous les ateliers qui transforment celte matière première en produits assimilables, forment un appareil analogue à l'appareil digestif et qu'on appelle l'industrie.

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L'appareil circulatoire existe un Sociologie comme en Biologie (voies de communication).

Dans nos sociétés en voie d'organisation, l'appareil de reproduction n'est pas encore formé.

Enfin au-dessus de ces divers appareils nous trouvons l'appareil gouvernemental, qui est le plus important de tous.

En anatomie générale, il ne suffit pas de considérer les individus et leurs divers groupements, il faut encore étudier :

Le sol,

Les immeubles produits de l'industrie humaine, habitations, routes, canaux, etc.

Quant aux autres produits de l'industrie, ils sont comparables aux produits biologiques et constituent les meubles.

Parmi ces produits, les uns sont destinés à être rejetés du corps social (égouts, résidus, ordures, etc.); leur séjour dans la société pourrait être une cause de maladie ou de mort.

Les autres servent à la transformation des matières premières et sont les instruments de travail (machines). Certains servent à la conservation de la société (armes, fortifications, etc.).

Enfin il importe de considérer l'ensemble des objets en circulation comparable au sang.

Anatomie Descriptive.

L'anatomie descriptive considère le nom, la situation, la forme, la population, la superficie, la densité, les rapports, la structure, le développement des différents organes et appareils d'une société, L'anatomie descriptive, au point de vue morphologique, nous montre les sociétés divisibles en un certain nombre de régions à peu près semblables les unes aux autres et dans chacune desquelles nous retrouvons des systèmes, organes, appareils, etc.

Disons quelques mots de ces diverses parties.

Famille. «Le premier groupement des molécules sociales vers un organisme est la famille», dit M, le Dr Guépin. Nous ne pouvons considérer la famille comme un groupe social. Dans les sociétés animales proprement dites, elle n'existe pas. Elle n'est donc pas nécessaire à la constitution de la société. C'est dans les tribus simiennes seulement que la famille paraît devenir un groupe permanent. Mais, comme le dit fort justement M. Je Dr Coudereau, il n'est point certain qu'elle y ait été le point de départ de la tribu.

Pour nous, la famille est un groupe spécial, limité, répondant à un besoin spécial relatif à la reproduction de la société. C'est le page 15 besoin de reproduction qui a produit la famille. Ce sont les autres besoins organiques qui, à mesure qu'ils se multipliaient, ont enfanté tous les groupes sociaux, depuis la tribu jusqu'aux Etats-Unis.

Comme les autres parties de là société, la famille jouit des fonctions vitales, mais son développement est limité, si l'on en juge par les systèmes de parente qui ne varient guère. La reproduction de la famille semble aussi limitée et la question des mariages consanguins n'est pas encore résolue.

En résumé, la famille est un groupe biologique et non socio-logique. Tribu. Le premier terme de l'agrégation sociale est la tribu. Les sociétés inférieures ne sont constituées que par une tribu. Les sociétés supérieures comprennent un nombre plus ou moins considérable de ces groupes primaires, Dans nos sociétés européennes, la commune représente la tribu des sociétés sauvages et constitue, pour ainsi dire, le zoonite du corps social. Toutefois, nous verrons, quand nous en serons à la physiologie sociale comparée, que cette division des sociétés supérieures en communes est arbitraire et que les zoonites sociaux (indépendance de la commune) correspondent à un état d'organisation relativement inférieur et comparable à celui des annelés.

Anatomie Des Régions.

L'anatomie des régions nous enseigne la position respective dos vides, routes, voies Ferrées, lignes télégraphiques, etc.

Anatomie Comparée.

Enfin l'anatomie comparée étudie comparativement chaque partie des sociétés par rapport aux modifications de leur structure dans les diverses sortes de sociétés.