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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 85

Modes de groupement des individus sociaux

Modes de groupement des individus sociaux.

En Sociologie, plus que partout ailleurs, la dynamique domine la statique; il est difficile do considérer les êtres sociaux ou les groupes d'êtres sociaux indépendamment du ròle qu'ils remplissent, et c'est pourquoi nous ne pouvons séparer d'une manière complète l'anatomie de la physiologie sociale.

Étant donné que les sociétés sont des organismes vivants, il faut absolument que ces organismes comprennent les organes indispensables à la vie. La vie végétale, la vie animale, la vie sociale ne page 10 peuvent se manifester que par l'intermédiaire de fonctions qui sont les mômes chez tous les êtres organisés. Suivant nous, il y a une biologie générale, qui étudie la vie dans les règnes végétal, animal et social. Cette biologie nous apprend que chez les plantes, chez les animaux, comme chez les sociétés, en un mot chez tous les êtres vivants, la vie résulte de l'exercice de certaines fonctions sans lesquelles elle ne saurait exister. Or, ces fonctions nous sont déjà connues. En somme, qu'est-ce que la vie, sinon la nutrition? et qu'est-ce que la nutrition, sinon un échange continu de matière entre l'organisme et le monde extérieur? Comment la matière pénètre-t-elle dans l'organisme? Par l'absorption. Comment en sort-elle? Par l'excrétion. Mais la matière ne peut ètre assimilée qu'autant qu'elle a subi certaines transformations (digestion). En outre, pour qu'elle soit absorbée par tous les individus composant un organisme quelconque, plante, animal ou société, il faut qu'elle circule dans toutes les parties de cet organisme (circulation). Les divers individus d'un organisme ont certains rapports entre eux et avec le monde extérieur, et ces différents rapports ne peuvent s'effectuer qu'au moyen de functions de relation. Enfin l'espèce dont fait partie l'individu, plante, animal ou société, périrait, s'il ne se reproduisait pas au moyen de la fonction de reproduction.

Donc les fonctions vitales que nous venons d'énumérer sont indispensables à la vie, considérée d'une manière générale partout où elle existe. De plus, il est évident qu'il ne peut y en avoir d'autres que celles-là. Si nous insistons sur cette biologie générale, c'est pour montrer qu'il y a plus qu'une analogie entre les phénomènes sociaux et les autres phénomènes vitaux déjà connus, et que la comparaison de l'ensemble des objets de consommation d'une société au sang d'un animal par exemple n'est pas plus métaphorique que celle du sang à la séve des végétaux.

Il s'agit maintenant de retrouver dans la société les fonctions de nutrition, de relation et de reproduction qui doivent y exister par ce seul fait qu'elle est un organismo vivant.

Quelle est la fonction qui fournit la matière première en sociologie? C'est Y agriculture.

Quelle est celle qui la transforme en produits assimilables? C'est l'industrie.

Quelle est celle qui fait circuler ces produits? C'est le commerce.

Quelle est celle qui règle les rapports de ces fonctions de nutrition entre elles et avec le monde extérieur? C'est le gouvernement.

Quant à la fonction de reproduction, c'est la colonisation.

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Sur cette question de la détermination des différentes fonctions sociales, nous sommes heureux de noua trouver d'accord avec M. Paul Bert qui, le premier croyons-nous, dans une conférence faite à Auxerre, il y a quelque? années, a montré dans les sociétés les fonctions de la vie des individus. «Les éléments, dit M. Bert, sont les citoyens du corps de la république organisée. Ces citoyens ont des propriétés, qui sont communes à tous et d'autres qui sont spéciales à quelques-uns.

Ils ne vivent pas isolés, mais réunis les uns aux autres en sociétés.

Tantôt ces sociétés ne comprennent que des citoyens tous semblables: ce sont des corporations (des systèmes comme les systèmes musculaire, nerveux, etc.). Tantôt elles comprennent des citoyens différents les uns des autres et concourant tous à un but, à une œuvre déterminée: tels sont les organes comparables aux villes.

Enfin le sang, comparable aux ressources de l'agriculture et de l'industrie, nourrit les éléments comme elles nourrissent les citoyens, et il circule dans ses canaux, sous la force impulsive du cœur, comme elles circulent sur les grandes routes poussées par le commerce.

Ainsi sont établies les conditions de la vie pour les organes comme pour les sociétés.

Ces sociétés ne sont pas isolées les unes des autres, elles ne concentrent pas leur activité en elles-mêmes, elles la manifestent au dehors. De plus, elles obéissent aux lois do l'État dont elles font partie. Elles sont dirigées, surveillées, protégées par un gouvernement. Ce gouvernement, c'est le système nerveux... Ce sont elles qui le nourrissent. Chacun des éléments agissant dans sa sphère prépare des matériaux que le sang emporte et avec lesquels il nourrit le système nerveux. S'ils cessaient tous de travailler, le gouvernement mourrait d'inanition et eux aussi. C'est ce qui arrive à la fin quand l'organisme meurt.

Il y a des gouvernements locaux agissant dans une circonscription déterminée. On les appelle dans l'organisme ganglions, moelle épinière, ils sont en rapport avec les villes et les citoyens, les organes et les éléments, par des fils télégraphiques, des nerfs qui les avertissent de ce qui se passe, qui transmettent leurs ordres. Pour toutes les questions dont l'intérêt ne dépasse pas leur circonscription, ils jugent en dernier ressort, pour les autres, ils entrent en communication les uns avec les autres, se consultent, agissent en commun. Pour les plus grandes enfin, page 12 celles dont l'intérêt embrasse le pays tout entier, ils ont recours au gouvernement central. Celui-ci réside dans la tête; c'est une partie de ce qu'on appelle l'encéphale.

Là sont les ministères, les organes centralisateurs, régulateurs, qui envoient des ordres à l'empire tout entier, à toute la machine vivante. Nous verrons tout à l'heure quels ils sont.

Au-dessus d'eux plane la volonté, l'intelligence, le chef de l'État. Quand il commande, tout obéit. C'est lui surtout qui veille aux relations extérieures. S'il est intelligent, énergique s'il utilise bien les forces du pays, le pays est glorieux; et de même si l'intelligence emploie heureusement les forces vives de l'organisme, l'être vivant exécute normalement ses fonctions. Mais il n'a pas besoin do s'occuper du détail des questions intérieures. Que deviendrait un chef d'État s'il lui fallait s'occuper de la charrue de chaque citoyen? Que deviendrait l'intelligence s'il lui fallait s'occuper de la digestion, de la nutrition, de l'excrétion, etc.? Tout cela se fait sans elle. Les ministères, les gouvernements locaux, sen chargent; le mécanisme, l'automate, est si bien monté, que tous ces détails de pot-au-feu s'exécutent sans qu'il s'en occupe et lui laissent sa liberté. Lui aussi ce chef de l'État réside dans la tète; c'est un organe spécial, le cerveau proprement dit.

A ses ordres ou à ceux de ces ministères, avons-nous dit, tout obéit. Les lois commandent au commerce. C'est le système nerveux en effet qui règle les battements du cœur, les accélère ou les arrête, c'est lui qui dilate les vaisseaux dans lesquels circule le sang, ou qui les rétrécit. C'est lui qui anime les organes digestifs, qui veille aux mouvements de la respiration, qui est l'incitant des sécrétions, le régulateur de la chaleur animale.

Les gouvernements locaux de l'organisme reçoivent leurs avis tous par la même voie : c'est le toucher général, le toucher de la peau qui les avertit. Mais le gouvernement général a d'aulres ressources : il a, si je puis ainsi dire, une police spéciale, supérieure, admirablement organisée. Celte police, ce sont les sens, la vue, l'ouïe, 'odorat, le goût, qui l'avertissent de tout ce qui se passe de près ou de loin et qui lui permettent de veiller au salut du pays tout entier.

Le chef de l'Etat, le cerveau, n'est point directement impressionné par cette police. Ce n'est pas lui qui reçoit les nerfs quiviennent des organes des sens....

Dans l'état ordinaire des choses, l'intelligence ne sent pas les mouvements intimes de la nutrition; mais qu'un phénomène page 13 anomal se présente, la douleur l'avertit; Je chef de l'État s'occupe de cette rébellion, il commande et tout s'ébranle pour conjurer le mal ou pour l'étouffer et rejeter la partie malade, le citoyen rebelle.»

D'après le système do M. Paul Bert, nous retrouvons en anatomie sociale tout ce que comprend l'anatomie proprement dite, c'est-à-dire les éléments sociaux, les tissus, les organes, les systèmes et les appareils.

Tissu.—Un tissu social est une partiedu corps social qui résulte do la réunion d'une ou de plusieurs espèces d'individus associés dans un ordre déterminé.

Dans un tissu, on distingue des éléments principaux et des accessoires. Dans les fabriques, par exemple, il y a un maître, un contre-maître, des employés, un payeur, etc., qui représentent les éléments accessoires, mais l'élément qui prédomine, l'élément principal est représenté par les ouvriers.

Parmi les tissus, les uns sont permanents, les autres sont temporaires; les uns sont constituants, les autres sont produits et émanent des constituants, comme l'armée par exemple.

Dans les tissus multiples, les propriétés résultent do l'ensemble des éléments.

Système.—On appelle système social l'ensemble des métiers et professions de mémo espèce considérés comme formant un tout. Ce sont les corporations.

Organe.— On appelle organe social une partie du corps social formée parla réunion d'ouvriers de plusieurs professions, constitués en atelier ou en groupe d'ateliers. Une ferme, un corps d'armée, une usine, une ville manufacturière comme Rouen, Roubaix, Limoges, le Creuzot, sont des organes ou des réunions d'organes similaires. Chaque organe comprend plusieurs sortes de professions. Dans chaque organe, il y a une administration (système nerveux) et des professions diverses. Dans la mine du Creuzot, par exemple, il y a des mineurs, des chargeurs, des camionneurs, etc.; dans l'usine annexée à la mine, il y a des mécaniciens, des serruriers, etc.

Appareil,—L'ensemble des organes d'espèce diverse qui concourt à une même fonction prend le nom d'appareil.

Tous les ouvriers qui fournissent la matière première forment un appareil analogue à celui do la locomotion et qu'on appelle l'agriculture.

Tous les organes sociaux, tous les ateliers qui transforment celte matière première en produits assimilables, forment un appareil analogue à l'appareil digestif et qu'on appelle l'industrie.

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L'appareil circulatoire existe un Sociologie comme en Biologie (voies de communication).

Dans nos sociétés en voie d'organisation, l'appareil de reproduction n'est pas encore formé.

Enfin au-dessus de ces divers appareils nous trouvons l'appareil gouvernemental, qui est le plus important de tous.

En anatomie générale, il ne suffit pas de considérer les individus et leurs divers groupements, il faut encore étudier :

Le sol,

Les immeubles produits de l'industrie humaine, habitations, routes, canaux, etc.

Quant aux autres produits de l'industrie, ils sont comparables aux produits biologiques et constituent les meubles.

Parmi ces produits, les uns sont destinés à être rejetés du corps social (égouts, résidus, ordures, etc.); leur séjour dans la société pourrait être une cause de maladie ou de mort.

Les autres servent à la transformation des matières premières et sont les instruments de travail (machines). Certains servent à la conservation de la société (armes, fortifications, etc.).

Enfin il importe de considérer l'ensemble des objets en circulation comparable au sang.