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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 85

[introduction]

Qu'est-ce que la Sociologie?

Comme la Biologie étudie les phénomènes de la vie chez les végétaux et les animaux, la Sociologie est une science qui a pour objet I'étude des phénomènes vitaux présentés par ces groupes d'êlres qu'on appelle les sociétés.

Quel rang la Sociologie occupe-t-elle parmi les autres sciences?

La Sociologie est la dernière venue et la plus élevée de toutes les sciences. Après la Physique et la Chimie, qui étudient les corps bruts célestes (Astronomic) et terrestres (Physique proprement dite), et qui sont apparues tout d'abord, est venue la Biologiel qui éludie les corps vivants, végétaux (Botanique) et animaux (Zoologie). Enfin vient la Sociologie qui étudie les groupes d'animaux ou corps sociaux.

Quelles sont les bases de la Sociologie?

La Sociologie s'appuye directement sur la biologie, et tous les phénomènes sociaux sont réductibles en phénomènes physiologiques. Mais comme, d'une part, tous les phénomènes de la vie chez les individus sont, réductibles en phénomènes physico-chimiques, et que, d'autre part, tous les phénomènes physico-chimiques ne sont au fond que des phénomènes mécaniques, il s'ensuit que la base fondamentale de la Sociologie est la Mécanique. De môme qu'il y a une mécanique physique et une mécanique animale, il doit donc y avoir une mécanique sociale, et c'est cette mécanique que nous nous proposons d'étudier.

Quelles sont les limites de la Sociologie?

De mème qu'on n'a jamais trouvé de limites précises entre la physique et la biologie, entre les corps inorganiques et les corps organisés, de mème la biologie et la sociolugie ne sont pas séparées l'une de l'autre par une ligne de démarcation bien tranchée. Où commence la société? l'accouplement, par exemple, peut-il ètre considéré comme un phénomène de Sociologie ou comme un acte biologique?

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D'un antre côté, la sociabilité, qui fonde et organise les sociétés, n'élnnt que le développement d'une ou de plusieurs facultés intellectuelles, pourrait être étudiée au point de vue de la biologie, et la Sociologie ainsi envisagée ne serait qu'une partie de la psychologie ou physiologie du cerveau.

Quelles ont été les phases de la Sociologie?

Comme la physique et la biologie, la Sociologie a dû traverser deux phases successives avant de devenir une véritable science. La première période de la Sociologie ou période théologique a été close par la révolution de 1789, qui a fait entrer la Sociologie dans la période métaphysique. Enfin à Auguste Comte revient la gloire d'avoir fait de la Sociologie une science positive.

Procédés pour arriver à la notion du mécanisme des êtres sociaux.

La Sociologie étant une science physique doit avancer par les mêmes procédés que lesautres sciences. Les procédés pour arriver à la notion du mécanisme des sociétés sont donc l'observation et l'expérimenlation.

Comme instruments de la Sociologie, nous trouvons encore la lecture, l'écriture etles mathématiques, qui nesont quedes moyens à l'aide desquels nous acquérons les autres sciences. Les mathématiques s'appliquent à la Sociologie comme aux autres sciences. M. Quételet, en effet, vient de publier un Traité d' anthropométrie dans lequel il prouve que la loi des coefficients du binôme (loi binômiale) s'applique au poids, à la force, à la vitesse et mème aux qualités morales et intellectuelles de l'homme.

Observation.—Elle comprend tous les matériaux fournis parla paléontologie, qui nous révèle l'histoire des époques antéhistoriques. Quant aux époques historiques, nous les connaissons par l'histoire ancienne, du moyen âge, moderne, contemporaine; à l'histoire se rattachent la mythologie, l'archéologie, la linguistique. L'observation emprunte encore des données à la géologie, à la géographie, à la démographie, à l'ethnographie, à l'anthropologie, etc., etc.

Experimentation.—«On peut, dit Molcschott, appliquer l'expérimentation aux sciences sociales : en Toscane, par exemple, on abolit la peinede mort, et l'on voit immédiatement le nombre des crimes diminuer.» Mais cette manière de procéder revèt an caractère d'empirisme, et n'est point du tout conforma à la méhode expérimentale

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Suivant no iis, en Sociologie comme en biologie, il est plus prudent d'expérimenter sur des animaux quo sur des hommes. Quand on voudra rechercher ce qui constitue essentiellement telle ou telle fonction sociale au point de vue de la physiologie générale, il faudra étudier les organismes inférieure de préférence aux organismes supérieurs. Au contraire, ceux-ci devront toujours être préférés a ceux-là, toutes les fois qu'on fera de la physiologie spéciale.

Prenons un exemple : suivant M. Henri Sainte-Claire Deville, la morale doit être traitée comme une science expérimentale. De même que les physiologistes ont pu connaître le fonctionnement du corps humain en étudiant sur les animaux le rôle des différentes pièces de la machine animale, les moralistes peuvent connaître le fonctionnement de l'âme (ensemble des facultés morales), en éludiant cette ame sur les animaux qui possèdent à un degré moindre, il est vrai, toutes les facubés intellectuelles et morales de l'homme, le premier des animaux. De même que les pathologistes peuvent produire artificiellement des maladies chez les animaux en les soumettant à certaines conditions pernicieuses, les moralistes peuvent, en faisant varier méthodique ment les circonstances au milieu desquelles vivent les animaux, apprendre comment naissent et se développer!lies vices qui sont les grands dissolvants de leurs sociétés comme de la notre. Dans la question spéciale de l'éducation, on peut donc découvrir les causes physiques des défauts et des vices dans les enfants qui, à certains moments de leur développement, sont si près des animaux.

«Au moyen des meutes de chiens, dit M. Sainte-Claire Deville dans un Mémoire présenté à l'Académie des Sciences morales et politiques et ayant pour but de prouver expérimentalement les inconvénients de l'internat dans l'éducation, au moyen des meules de chiens, on observe et l'on développe chez les îndividus, en outre dos vices propres aux carnassiers et malheureusèment aux enfants, la coquetterie fort utile au maintien de la race, l'avarice représentée par la manie de l'enfouissage, l'instinct du vol, etc. Au moyen des troupeaux de ruminants, des habitants des haras, des volières, des oiseaux et des insectes domesliques, on fait également un grand nombre d'observations curieuses de morale animale, et quelques expériences dont les résultats peuvent ètre très-instructifs pour nous-mèmes.

Les béliers étant séparés des brebis dans les champs, mais surtout dans les bergeries, contractent les habitudes les plus dangereuses pour les facultés de reproduction, j'allais dire les vices les plus honteux. En général, toutes les fois qu'on rassem- page 6 ble et qu'on fait vivre en domesticité restreinte des animaux d'un même sexe et surtout des animaux du sexe masculin, on remarque d'abord une grande excitation des instincts de reproduction et ensuite une perversion redoutable de ces mêmes instincts. Mettez-vous au contraire, soit en troupeaux, soit surtout en liberté complète, ces animaux destinés à vivre en société, vous voyez tout de suite dominer les caractères normaux de l'animal, Bientôt les organes de reproduction ne paraissent plus excitables qu'à des intervalles fixes et réguliers. Aux sentiments les plus pervers qui rapprocheraient les milles succède très-rapidement la jalousie, qui suscite entre eux des combats où les plus faibles succombent au profit de l'amélioration de la race par la seule intervention des individus les plus vigoureux. Ceux-ci fondent la famille ou la horde. Ainsi la présence seule des femelles suffit pour guérir radicalement les mâles de tous les vices de la vie séquestrée. Eh bien, ce qui se passe dans un troupeau se passe également dans une réunion d'enfants miles, quelle qu'elle soit, élevée par qui que ce soit, défendue par les règles de la surveillance la plus étroite, fùt-elle de jour et de nuit.»

Nous n'avons fait cette citation du Mémoire de M. Sainte-Claire Deville que pour prouver que le moraliste peut faire des expériences de morale comme le physicien fait des expériences de physique, et que l'observation et l'expérimentation, ces deux instruments de la méthode positive, sont applicables a la Sociologie comme aux autres sciences naturelles.

Qu'est-ce qu'ume Société?

Suivant nous, une société n'est point un être moral, comme disent les jurisconsultes, mais un être réel, un corps vivant, une forme supérieure delà matière, organisée, un véritable organisme comparable aux organismes déjà connus en biologie et soumis aux lois générales de la vie.

C'est pourquoi nous définirons la Sociologie la biologie des sociétés. Appliquant à cette science la définition que MM. Littré et Ch. Robin ont donnée de la biologie, nous dirons donc que la Sociologie est une science qui a pour sujet les sociétés vivantes et pour but d'arriver, par la connaissance des lois de l'organisation, à connaître les lois des actes que ces êtres manifestent, et réciproquement.