The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 58
Appendix D
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Appendix D.
Le peuple, ce n'est pas la pluralité, c'est l'universalité des citoyens: d'où vient donc qu'on parle toujours de la souveraineté du peuple, comme si le Peuple était un être simple, unique, immuable, dont on puisse dire ce qu'on dirait d'un individu : Il veut ceci, Il ne veut pas cela?
Quant à la souveraineté, il serait temps de s'entendre. S'il est vrai que d'après Hobbes, d'après Rousseau, d'après tous les publicistes qui ont écrit sur la matière, d'après le dictionnaire, d'après l'usage, elle soit le pouvoir suprême, celui dont tout relève, il est clair que son essence est d'être absolue.
Mais si, étant absolu, un pareil pouvoir n'était pas incontestablement juste et regardé avec raison comme infaillible, loin d'être légitime, loin de constituer un droit, il aurait l'odieux caractère d'un fait écrasant, et la souveraineté serait infâme. Qu'une iniquité soit commise au nom du souverain, fût-ce à l'égard d'un seul homme, la souveraineté disparaît comme principe, et ne subsiste plus que comme force. Et, n'est-il pas certain, n'est-il pas historiquement prouvé qu'un seul homme peut, à un moment donné, sur une question donnée, avoir raison contre cent mille hommes, contre un million d'hommes, contre tous les hommes, moins lui?
Ainsi donc, pour que la souveraineté, dans le sens absolu qu'on attache à ce mot, fût autre chose qu'une pure abstraction au point de vue du droit, il faudrait qu'elle répondît en fait à l'idée d'universalité; qu'il y eût unanimité d'idées, de sentiment; que toute pression du plus grand nombre sur page 61
le plus petit put être écartee par la communauté des intérêts et l'harmonie des volontés. Touchons-nous à la réalisation de ce rêve d'or ? Il est sans fond l'abîme qui nous en sépare.
Que faites-vous donc, vous qui prétendez investir du caractère qui conviendrait au gouvernement du peuple par lui-même ce qui n'est, et ne saurait être que le gouvernement d'une partie du peuple par une autre partie? Vous faussez la notion du droit; vous transportez à la pluralité; qui est exposée au malheur d'être injuste, le pouvoir de l'universalité, qui ne peut pas être injuste, parce qu'on ne l'est pas envers soi-même; vous mettez le relatif à la place de l'absolu; vous mutilez le souverain, et en lui dérobant son nom pour le donner à ce qui n'est pas lui, vous courez le risque de consacrer la tyrannie!
Il faut quelque chose qui empêche le droit des plus nombreux de trop ressembler au droit des plus forts; quelque chose qui serve à distinguer avantageusement l'état de société, où l'on se compte, de l'état de nature, où l'on se bat; quelque chose qui protège la liberté contre la substitution possible du pouvoir d'un chiffre à celui d'un coup de massue; quelque chose enfin qui fasse que la démocratie cesse d'être un régime de privilège en faveur du nombre. La majorité doit avoir plus de représentants que la minorité, fort bien; mais s'ensuit-il, comme dit M. John Stuart Mill, que la minorité n'en doive pas avoir du tout? Eh bien, c'est pourtant ce qui arrive sous l'empire du système qui ne permet aux électeurs de voter que pour le candidat qui se présente dans le district électoral auquel ils appartiennent. Le représentant élu pour le district est celui de la majorité, et le vote de la minorité se trouve n'avoir pas plus de valeur, l'élection faite, que si la minorité n'existait pas.
Cela est-il équitable ? cela est-il conforme à l'intérêt, bien entendu, de la société et au principe de l'égalité démocratique ? Il y a là manifestement un mal qui appelle un remède. La conviction que ce mal est considérable, que ce remède est nécessaire, me fait un devoir de vous exposer le système au moyen duquel M. Hare a cherché à atteindre ce but important, et éminemment démocratique : La ReprÉSentation Proportionnelle Des MinoritÉS.
An explanation of the method then follows.
Le mécanisme en est beaucoup moins compliqué qu'on ne serait tenté de le croire, au premier abord. En réalité, l'opération sur laquelle il repose n'a rien de plus difficile que le triage des lettres à la grande poste.
Quant a sa portée politique et philosophique, elle doit vous frapper.
Là où il n'y a pas égalité de représentation, on peut poser hardiment en fait qu'il n'y a pas de démocratie. L'essence de la démocratie, c'est l'égalité; et partout où les minorités risquent d'être étouffées, que dis-je ? partout où elles n'ont pas leur influence proportionnelle sur la direction des affaires publiques, le gouvernement n'est au fond qu'un gouvernement de privilège, au profit du plus grand nombre. Contre ce mal, le système de M. Hare fournit un remède.
On répondra peut-être que, dans le mode d'organisation adopté jusqu'à ce jour, la minorité ne reste jamais sans représentants, parce qu'il arrive que le parti en minorité dans un collège est en majorité dans un autre, ce qui tend à rétablir la balance.
Mais une pareille compensation, outre qu'elle n'a rien de certain et rien d'exact, est évidemment contraire à tous les principes du régime représentatif. L'étouffement de la minorité ici ne cessera pas d'être regrettable parce qu'il y aura eu étouffement de la minorité ailleurs en sens inverse. Un mal donné pour correctif à un autre mal ne saurait tenir lieu de remède. Ce qui importe, c'est que la voix de chaque électeur compte à l'homme de son choix, du moins autant que possible. Quoi ! je nomme Pierre à Paris, page 62
et je dois me tenir pour bien et dûment représenté si Paul est nommé à Bordeaux ! Passe encore, si le pays n'était divisé qu'entre deux grands partis se disputant le pouvoir, et en présence dans chaque collège ! Mais en dehors de ces deux partis, je puis appartenir à une opinion dont il me plairait fort de préparer l'avenir; je puis faire partie d'une minorité éparse dans le pays, et qui, bien que trop faible pour l'emporter dans un collège quelconque, serait cependant assez forte pour former une section du corps électoral, si les membres qui la composent votaient ensemble; je puis enfin vouloir pour mandataire, d'accord en ceci avec beaucoup d'électeurs répandus çà et là, un homme sans influence locale, sans relation avec les partis en vue, sans engagement avec les opinions du jour, mais d'un caractère élevé et d'un esprit aussi supérieur qu'indépendant. Dans ce cas, je le demande, à quoi me servira ma qualité d'électeur? Il faudra, ou que je donne ma voix à un homme qui ne représente mon opinion que très imparfaitement, et alors mon vote est à moitié perdu, ou que je m'abstienne, et alors, il est perdu tout à fait.
Il est vrai que le système de M. Hare est loin d'assurer aux minorités une garantie complète, en ce sens qu'il laisse sans organe parlementaire toute minorité qui n'atteint pas le nombre minimum de votants requis pour l'élection d'un député. Ainsi en supposant que la Chambre se compose de 650 membres, et qu'il y ait 6,500,000 électeurs, ce système n'empêcherait pas toute minorité au dessous du chiffre de 10,000 d'être sans organe dans la législature. Mais c'est là un malheur inhérent à la nature des choses. Le nombre des sections électorales est fatalement déterminé par le nombre des députés à élire. Et, d'autre part, il est assez naturel qu'une opinion ne pèse dans la balance des destinées publiques, que lorsqu'elle se trouve avoir acquis un suffisant degré d'importance numérique.
Au reste, je n'entends pas dire que le système de M. Hare soit parfait; mais ce qui est sûr, c'est qu'il offre des avantages nombreux, et de l'ordre le plus élevé.
Il assurerait la représentation, proportionnellement au nombre de chaque section du corps électoral. Toute minorité serait représentée, pourvu qu'elle se composât d'autant de citoyens qu'il en faudrait pour faire un député, eu égard au nombre des membres à élire.
Chaque minorité locale pouvant s'unir par ses votes à d'autres minorités locales éparses dans tout le royaume, et atteindre de la sorte le chiff re voulu pour l'élection d'un représentant, nulle opinion de quelque importance numérique ne risquerait d'être réduite au silence, ou désarmée.
Les électeurs n'étant plus forcés, ou de voter pour un candidat de la localité, alors même qu'ils ne voudraient pas de lui, ou de s'abstenir, et pouvant donner leur voix aux hommes d'une réputation nationale dont ils partagent les principes, une place parmi les représentants du peuple serait réservée aux grands esprits, aux citoyens vraiment illustres, aux caractères indépendants; il ne serait plus indispensable, pour être élu, de se faire l'instrument d'une coterie influente ou l'esclave d'un parti.
Chaque vote aurait toute la valeur qu'il doit et peut avoir.
Chaque membre de la Chambre représenterait un corps électoral, disséminé peut-être, mais unanime.
Par cela même, le représentant et le représenté seraient identifiés l'un à l'autre.
Ce qui serait représenté à la Chambre, ce serait, non plus des pierres, mais des hommes.
Et toutefois, le principe de la représentation locale serait respecté dans une juste mesure, puisque dans tout collège où lamajorité des votants égalerait ou dépasserait le chiffre requis pour l'élection d'un député, il ne tiendrait qu'à elle d'avoir un représentant local.
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Dans chaque collège électoral, la majorité serait nécessairement amenée à fixer son choix sur le plus digne, parce que son candidat préféré aurait à soutenir la concurrence, non plus seulement du candidat de la minorité, mais de tous les hommes distingués sur toute la surface du pays.
Dans la Chambre, les représentants de la majorité ayant devant eux les organes les plus distingués de chaque ordre d'idées, seraient contraints, pour les combattre, d'étudier les questions sérieusement et de penser, ce qui élèverait le niveau de l'intelligence générale.
Enfin, la majorité prévaudrait, la démocratie régnerait; mais en même temps une issue serait ouverte à chaque opinion dissidente, et im point d'appui ménagé au droit des minorités : droit non moins respectable dans sa sphère que celui des majorités dans la sienne, droit sacré, lui aussi, et qu'un membre fameux de la Convention revendiquait en ces termes, le 28 décembre 1792, aux applaudissements du peuple qui remplissait les tribunes : "Sidney, mort pour le peuple, était de la minorité. Socrate était de la minorité quand il avala la ciguë, et Caton quand il se déchira les entrailles."
See, also, note to p. 161, 3rd ed. of Mill's Considerations on Representative Government, on the opinions by other continental writers.