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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 28

V

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Je ne ferme pas les oreilles aux justes plaintes des ouvriers. "On nous offre l'instruction, disent-ils, et dès l'âge de dix ans on nous enferme dans un atelier ou dans une fabrique, où nous travaillons du matin au soir, sans avoir un instant de loisir pour nous livrer aux plaisirs de l'intelligence. On nous parle du bonheur de la famille, il n'y a pas de famille pour nous. Enfants, nous voyons à peine notre père et notre mère, ceux-ci étant occupés à un travail sans relâche. Adultes et mariés, nous ne voyons pas notre femme, notre mari, pas plus que nos enfants. Alors page 18 m≖me que nous avons quelques heures de loisir, nous ne les passons pas en famille; y a-t-il une famille sans un foyer domestique? et qu'est-ce que notre habitation? Un bouge infect où nous n'entrons que malgré nous, et que nous avons hâte de quitter." Il y a bien du vrai dans ces plaintes amères, mais il est vrai aussi que l'ouvrier peut, en grande partie, remédier au mal dont il se plaint. L'épargne peut et doit devenir l'instrument de sa régénération matérielle, intellectuelle et morale.

Quand nous avons pr≖ché l'épargne dans nos écoles d'adultes, les ouvriers ne nous comprenaient pas. Nous leur disions que l'épargne est un devoir; ils ne savaient pas ce que cela voulait dire, un devoir. Quand avec beaucoup de peine nous leur expliquions que l'homme a des devoirs à remplir et que l'épargne est un de ces devoirs, ils nous objectaient que l'ouvrier n'a pas les moyens d'épargner, que ce qu'il peut économiser est en tout cas si peu de chose, qu'il ne valait pas la peine de commencer. Ce n'est qu'à force d'insistance que nous sommes parvenus à introduire l'épargne parmi les adultes. Aujourd'hui encore, ce n'est que la minorité des ouvriers fréquentant nos écoles qui ont des livrets; au Ier juillet 1871, il y avait 514 livrets sur 1,242 élèves. Je suis heureux d'ajouter que la proportion est plus favorable pour les ouvrières : sur 1,415 élèves il y avait, au Ier juillet, 926 livrets. Dans nos écoles communales, le nombre des épargnants est bien plus considérable, mais c'est dans une proportion inverse pour les filles et les garçons : sur 3,741 garçons il y avait, au Ier juillet 1871, 3,000 livrets, et sur 3,234 filles, 2,533 livrets.

Ces chiffres prouvent que nous avons eu raison d'introduire l'épargne dans nos écoles communales. Il est bien plus facile de donner de bonnes habitudes aux enfants que de déraciner de mauvaises passions chez les adultes. Et il page 19 est aussi bien plus facile de faire comprendre la nécessité de l'épargne à ceux qui ont joui des bienfaits de l'instruction qu'à ceux dont l'esprit est resté inculte.