Other formats

    Adobe Portable Document Format file (facsimile images)   TEI XML file   ePub eBook file  

Connect

    mail icontwitter iconBlogspot iconrss icon

The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 28

I

page break

I

Pourquoi viens-je vous parler de l'épargne, à vous qui ≖tes appelés à devenir instituteurs et institutrices? C'est que votre future mission est de présider non-seulement à l'instruction, mais aussi à l'éducation de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Il faut nous arr≖ter un instant à cette mission; il n'y en a pas de plus grande, de plus belle. Vous ≖tes les artisans de la civilisation et du progrès. Car qu'est-ce que la civilisation? qu'est-ce que le progrès? On dit qu'une nation est civilisée quand elle cultive les facultés intellectuelles et morales dont Dieu a doué toutes ses créatures. Et le progrès consiste dans ce m≖me développement : l'instruction doit se répandre dans toutes les classes de la société et se perfectionner de jour en jour, et l'éducation doit toujours accompagner l'instruction; il page 2 est presque inutile que je vous dise que par éducation j'entends la culture morale. Un pays où chaque homme serait instruit, où chaque homme aurait le sentiment de ses devoirs, serait un pays civilisé par excellence. Par cela m≖me les hommes y jouiraient de tout le bonheur qu'ils peuvent avoir sur cette terre; car le bonheur véritable consiste à développer ses facultés, ou pour me servir de la belle parole de l'évangile, à devenir parfaits comme notre Père dans les cieux.

Vous me direz, mes amis, que j'ai oublié un élément de la civilisation et du progrès, le développement de la richesse, ce que l'on appelle le progrès matériel. Ce n'est pas un oubli. La richesse joue un grand rÔle dans les progrès de la civilisation, toutefois il y faut voir, non un but, mais un moyen, un instrument. Les pays les plus riches sont aussi les pays les plus civilisés, et les plus pauvres sont les plus incultes. C'est qu'il faut une certaine richesse pour créer et multiplier les établissements d'instruction publique et toutes les institutions qui s'y rattachent, telles que les bibliothèques et les musées de tout genre. Or, les écoles sont les ateliers dans lesquels les facultés humaines sont développées; sans les écoles, il y a ni instruction ni éducation. Voilà pourquoi le progrès intellectuel et moral ne peut ≖tre séparé du progrès matériel. Mais gardez-vous de les mettre sur la m≖me ligne : ce serait confondre le but avec le moyen. L'homme n'a pas pour mission de s'enrichir, il a pour mission de développer sa raison et sa conscience. L'instruction et la moralité, voilà le but que nous devons poursuivre de tous nos efforts; mais ces efforts ne deviennent possibles que lorsque la société a une certaine richesse, et la société n'est riche que lorsque les individus possèdent. Ainsi le progrès matériel est l'instrument, tandis que le progrès intellectuel et moral est le but. Réfléchissez un instant au terme de page 3 notre existence, et vous comprendrez ma pensée. Quand nous quittons ce monde, est-ce que nous emportons avec nous nos maisons, nos terres et notre argent? Non, nous emportons nos bonnes et nos mauvaises qualités, et celles-ci dépendent de l'instruction et de l'éducation que nous avons reçues. Quel est l'homme heureux à la fin de sa vie? Ce n'est pas le plus riche; c'est celui qui a fait le plus d'efforts pour développer ses facultés intellectuelles et morales.

Maintenant vous comprendrez, mes amis, ce qu'il y a de grand et de beau dans votre mission, et pourquoi je viens vous parler de l'épargne. Qui dirige l'instruction et l'éducation de l'enfance? L'instituteur. C'est donc vous qui jetez les premiers fondements de la civilisation, c'est vous qui ≖tes les artisans du progrès. Ce n'est pas assez dire. L'immense majorité des hommes ne reçoivent d'autre enseignement que celui que l'on appelle primaire. Vous ≖tes donc les seuls maîtres de ces classes qui sont tout ensemble les plus nombreuses et les plus pauvres. Il en résulte que l'avenir de la société est dans vos mains. Pendant longtemps les classes ouvrières étaient pour ainsi dire en dehors de la société. Dans l'antiquité, certaines catégories d'ouvriers, ceux surtout qui cultivaient la terre, étaient esclaves; dans les longs siècles du moyen âge, les esclaves sont devenus des serfs et les serfs ont fini par ≖tre affranchis. Enfin la révolution de 89 a déclaré tous les hommes égaux, et les a tous appelés à la liberté politique. Depuis lors, il se fait un immense mouvement dans la société. Nos constitutions proclament la souveraineté du peuple; le peuple veut ≖tre souverain en réalité. C'est une révolution radicale qui se prépare. Cette révolution peut ≖tre funeste, elle peut ≖tre bienfaisante. Elle sera funeste si la classe ouvrière reste ignorante et inculte, comme elle l'est malheureusement encore presque partout; car, dans leur ignorance et leur page 4 aveuglement, les ouvriers s'imaginent que le seul moyen d'améliorer leur condition, c'est de bouleverser l'ordre social, de détruire la propriété individuelle; de là les r≖ves du socialisme et du communisme; s'ils pouvaient jamais se réaliser, la société périrait; car elle ne vit que par l'action des forces individuelles. Il ne faut donc pas tuer l'individualité humaine; il faut la développer, de manière que chaque homme trouve dans la société la place que ses facultés lui assignent. Si la révolution qui se prépare se fait en ce sens, elle sera bienfaisante; car elle assurera à chaque homme une position honorable, elle permettra à chacun de développer ses facultés intellectuelles et morales, elle nous donnera donc le seul bonheur auquel nous puissions aspirer. C'est dire que l'instruction et l'éducation doivent présider à la révolution sociale, c'est dire que vous, mes amis, vous en ≖tes les artisans. L'instruction que vous donnerez à l'ouvrier lui apprendra que bouleverser la société est un mauvais moyen d'améliorer sa condition, puisqu'il serait la première victime d'un bouleversement qui anéantirait toute industrie et par conséquent tout travail. L'éducation que vous donnerez à l'ouvrier lui apprendra que s'il a des droits il a aussi des devoirs, et qu'il trouvera son bonheur à remplir ces devoirs.

Cela ne suffit pas, dit-on; il faut aussi que la condition matérielle de l'ouvrier s'améliore, sinon il n'aura pas m≖me les moyens de cultiver sa raison et son âme. Je suis d'accord; aussi je n'entends pas condamner les efforts que font les ouvriers pour rendre leur condition meilleure. Que dis-je? je leur offre un moyen sûr d'acquérir cette aisance qui est nécessaire à l'homme pour qu'il puisse travailler à son développement intellectuel et moral. Mais, au lieu de demander avec les socialistes que la propriété soit abolie, je dis aux ouvriers : "Il dépend de vous de devenir proprié page 5 taires. Ne cherchez pas votre bonheur dans la destruction de l'ordre social, parce que vous seriez les premiers à périr dans la ruine générale. Votre bonheur dépend de vous. Apprenez à modérer vos désirs et à régler vos passions. Apprenez à épargner, car épargner n'est pas autre chose. L'épargne ainsi comprise est un moyen infaillible d'améliorer votre condition matérielle, intellectuelle et morale."

Vous voyez, mes amis, quelle grande mission vous avez dans la révolution qui se prépare. Vous n'≖tes pas seulement les artisans du progrès intellectuel et moral; vous ≖tes encore appelés à transformer les classes ouvrières, en apprenant à l'enfant de l'ouvrier que son sort dépend de lui, qu'il peut conquérir cet instrument de développement intellectuel et moral qu'il envie tant, l'aisance, la richesse m≖me, en pratiquant l'épargne que vous lui enseignez dès l'école gardienne, et que vous continuez à lui pr≖cher à l'école communale et à l'école d'adultes. Vous avez participé à l'épargne, comme élèves de nos écoles, depuis votre tendre enfance. Vous voilà adolescents, bientÔt vous serez instituteurs et institutrices. C'est le moment de vous dire pourquoi nous avons introduit l'épargne à l'école, et de vous convier à nous pr≖ter votre concours le plus actif dans cette grande oeuvre.