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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 28

Rapport — Du Jury Charg? De Décerner Le Prix

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Rapport

Du Jury Charg? De Décerner Le Prix

Bruxelles, le Monsieur le Ministre,

Nous avons l'honneur de vous adresser le rapport concernant les travaux et la décision du jury nommé pour décerner le prix Guinard.

Le docteur Jean-Baptiste Guinard, décédé à Saint-Nicolas le 28 mai 1867, a, par son testament daté du 6 juin 1866, institué pour son héritier universel la ville de Gand "à la charge bien formelle de donner, à perpétuité, tous les cinq ans, une somme de 10,000 francs à celui qui aura fait le meilleur ouvrage ou la meilleure page ii invention pour améliorer la position matérielle ou intellectuelle de la classe ouvrière en général, sans distinction."

Par arr≖té royal du 28 mai 1868, la ville de Gand fut autorisée à accepter le legs, à condition de remettre tous les cinq ans au gouvernement une somme de 10,000 francs, pour ≖tre donnée en prix conformément aux intentions du testateur.

Un arr≖té royal du 27 février 1872 conféra la mission de décerner le prix à un jury de cinq membres choisis par le Roi, sur une liste double de candidats proposés par les classes des sciences et des lettres de l'Académie royale de Belgique, et un arr≖té royal du 29 avril de la m≖me année désigna comme membres du jury : MM. Maus, Donny, De Decker, de Laveleye et Thonissen.

Le jury se réunit la première fois le 17 juin 1872. Après avoir été installé par M. le secrétaire perpétuel de l'Académie, il choisit comme président M. De Decker et comme secrétaire M. Maus, puis il s'occupa immédiatement de la tâche qu'il avait à remplir. Cette tâche était très-difficile et très-délicate, par suite du caractère très-général et assez vague des termes du testament qui instituait le prix. Il lui a fallu examiner, juger et comparer la valeur d'un grand nombre de livres et de plusieurs inventions.

Il ne nous appartient pas de consigner ici une appréciation critique des inventions et des ouvrages non couronnés; mais nous pouvons dire que quelques-uns page iii deceslivres, parmi lesquels nous citerons les excellents travaux de M. J. Dauby, avaient attiré notre attention, et la majorité du jury semblait m≖me incliner à partager le prix; mais une interprétation officielle ayant déclaré qu'une semblable décision serait contraire à l'intention du testateur, et les inventions techniques ayant dû ≖tre écartées pour divers motifs, le jury a considéré l'écrit qui exposait les avantages et les résultats de l'épargne en général, et surtout de l'épargne dans l'école, comme répondant le mieux aux intentions philanthropiques du docteur Guinard. Cet ouvrage, intitulé : Conférence sur Fépargne, ne compte qu'un petit nombre de pages; mais l'idée qu'il développe est si juste, si féconde pour l'avenir, et là où elle a été appliquée, notamment à Gand, elle a donné des résultats si remarquables qu'il a paru réunir toutes les conditions voulues pour mériter les suffrages du jury. Ce que le généreux fondateur de ce beau prix avait en vue, en effet, ce n'était pas seulement de couronner un traité scientifique, une Œuvre volumineuse ou un mémoire académique, qui ne sont trop souvent accessibles qu'aux classes supérieures, c'était aussi et surtout de récompenser une Œuvre destinée à répandre une idée qui, généralement appliquée, pût améliorer réellement le sort de la classe ouvrière. Or, c'est précisément le résultat que doit avoir l'épargne, si on parvient à la généraliser.

Il est inutile d'insister ici sur les avantages de l'épargne : ils sont reconnus par tout le monde; nul ne page iv les conteste. Seulement, les circonstances actuelles donnent à l'épargne faite par les ouvriers une importance nouvelle, et on doit désirer plus que jamais de la voir se répandre. Un grand effort se fait en ce moment, tant de la part des ouvriers que de la part des maîtres, pour arriver à améliorer la condition des classes laborieuses. On a cru y parvenir par l'augmentation des salaires. L'expansion inouïe de toutes les industries a amené une hausse extraordinaire du prix de la main-d'Œuvre. Malheureusement, dans la plupart des pays, cet accroissement de ressources a été souvent plus funeste qu'utile à l'ouvrier. Au lieu de faire des économies pour se créer un capital, il travaille moins, passe plus de temps dans les cabarets et consomme plus de boissons alcooliques. Récemment encore, le principal or-gane de la publicité en Angleterre poussait un cri d'alarme, en voyant l'accroissement effrayant du produit de l'accise sur les eaux-de-vie. En Belgique, on constate le m≖me fait. Beaucoup d'ouvriers ne travaillent plus que quatre ou cinq jours par semaine; ils ignorent qu'au moyen de l'épargne ils pourraient, en peu d'années, devenir propriétaires d'une maison ou d'un petit capital.

Quand on étudie de près ce qu'on appelle la question sociale, c'est-à-dire les rapports entre les capitalistes et les ouvriers, on est bientÔt convaincu que l'un des meilleurs moyens de faire cesser toute mésintelligence est d'arriver à réunir dans les m≖mes mains le capital et le travail trop souvent séparés et parfois m≖me engagés dans une lutte déplorable.

page V

Il faudrait, pour établir définitivement l'harmonie sociale, que le travailleur devînt propriétaire. En effet, que l'ouvrier des champs ou de l'atelier parvienne à posséder une maison, quelques ares de terre, quelques obligations ou un livret de la caisse d'épargne et aussitÔt il est converti aux idées d'ordre; il devient l'ennemi de tout bouleversement qui lui enlèverait des économies péniblement acquises. Mais comment transformer le travailleur en capitaliste? Il n'y a qu'un moyen, c'est de porter l'ouvrier à l'épargne. Le capital créé par l'ouvrier lui-m≖me est le seul qui sera conservé.

C'est en vain que l'on ferait des avances à l'ouvrier ou qu'on lui donnerait les instruments de travail, comme certains réformateurs le proposent; ces cadeaux, comme les héritages échus à des dépensiers, ne tarderaient pas à ≖tre dissipés. Il faut avant tout communiquer aux ouvriers l'esprit d'ordre, de prévoyance et de bonne administration, qui seul peut conserver et accroître le capital acquis, pr≖té ou donné.

Les sociétés coopératives qui ont réussi sont celles qui ont elles-m≖mes formé leur capital au moyen d'un prélèvement héroïque sur le salaire quotidien; celles à qui le gouvernement de 1848 avait fait des avances n'ont pas tardé à succomber.

On le voit, porter l'ouvrier à l'épargne est une nécessité de la société moderne, et nulle part elle n'est plus urgente qu'en Belgique, car nulle part l'habitude de l'épargne n'est moins répandue parmi les classes page vi ouvrières de l'industrie, comme les résultats suivants le démontrent:

Sur 1,000 habitants les caisses d'épargne comptent:

200 déposants dans l'état de Massachusetts (Amérique);
110 en Angleterre;
83 en Suisse;
20 en Irlande et moins de
10 en Belgique.

La caisse générale d'épargne et de retraite de l'état ne comptait en Belgique que 44,182 livrets au 31 décembre 1870, et un an plus tard 46,473 livrets pour une population dépassant 5 millions d'habitants. Le problème qui se pose est donc celui ci :

Comment répandre l'habitude de l'épargne? L'écrit que nous couronnons montre admirablement—et c'est là son grand mérite—que c'est surtout par l'école qu'on y parviendra. Il est difficile d'amener les ouvriers adultes à l'épargne; les chefs d'industrie font de vains efforts pour y parvenir. L'ouvrier qui ignore la puissance libératrice de l'épargne répond : A quoi bon? Cela ne changera pas mon sort; mieux vaut s'amuser aujourd'hui, qui sait ce qui arrivera demain? A chaque jour sa peine. "Ce n'est pas seulement une question de plus ou moins d'intelligence, dit très-bien notre auteur; il y a chez les ouvriers des habitudes invétérées de dépense : pour les hommes, c'est le cabaret; pour les femmes, c'est la toilette. Vainement leur dit-on qu'une maladie, qu'une crise industrielle peut page vii les priver d'ouvrage et les plonger dans la misère, ils ne connaissent que la jouissance du moment, et ne veulent pas songer au lendemain. La perspective de la misère ne les effraye pas. Combien en avons-nous entendus dire : Si nous n'avons pas de travail, nous demanderons des secours au bureau de bienfaisance!"

S'il est difficile d'inculquer l'esprit d'économie aux adultes, il ne reste qu'un moyen de le répandre, c'est de s'adresser aux enfants qui fréquentent l'école primaire. L'instituteur a ici une double mission à remplir, il doit d'abord montrer à l'enfant qu'épargner est une vertu, et que c'est l'unique moyen d'améliorer son sort; il doit ensuite s'efforcer de faire prendre à l'enfant l'habitude de l'épargne. On connaît la puissance de l'habitude; elle devient une seconde nature, a-t-on dit, et rien n'est plus vrai. Celui qui, dans son jeune âge, a fait des économies sera probablement plus tard économe, laborieux et rangé. C'est parce que nos familles d'ouvriers ne savent pas ce que c'est qu'épargner, c'est parce que les enfants ne voient jamais cet exemple sous leurs yeux, que le progrès est si lent sous ce rapport. A Gand, où les deux tiers des enfants des écoles com-munales ont déjà des livrets, on leur explique le mécanisme et les avantages de la Caisse d'épargne. Chaque remboursement demandé à l'école est l'occasion d'une leçon pratique. D'ordinaire ces remboursements servent à acheter des v≖tements aux enfants m≖mes qui épargnent ou à leurs frères et sŒurs. A ce propos, on explique qu'il vaut mieux consacrer l'argent dont on dispose à se bien page viii v≖tir qu'à s'acheter des friandises. Souvent la leçon prend un caractère moral plus élevé; c'est quand le livret sert à secourir la famille dans un moment de crise et de g≖ne momentanée. Alors les parents bénissent l'excellente habitude que l'on a fait contracter à leurs enfants.

Mais, a-t-on dit, c'est dessécher le cŒur des enfants, étouffer tout instinct généreux, enseigner l'avarice.—Ces objections sont réfutées par les faits.—Épargner, c'est vaincre un appétit et résister à un besoin de jouissance immédiate, en vue d'un avantage éloigné que l'esprit seul perçoit. C'est donc un triomphe sur la passion, sur l'égoïsme; or, celui qui est habitué à vaincre ses passions et ses sens, qui vit par l'esprit, est plus disposé à faire un sacrifice pour les autres que celui qui ne cherche que la satisfaction immédiate de ses fantaisies. L'homme sensuel est toujours égoïste; en effet, il se rapproche de la brute, dont l'égoïsme est inconscient, féroce et sans bornes.

Si épargner est une bonne habitude, enseignez-la donc aux enfants.

On objecte encore qu'introduire l'épargne dans l'école ne servira à rien, car les enfants en seront à peine sortis, qu'ils retourneront à cette imprévoyance ordinaire dont ils voient les exemples autour d'eux. Sans doute, beaucoup agiront ainsi, surtout au début; mais un certain nombre persévérera et continuera à épargner. Pour le nier, il faut soutenir que l'éducation et l'habitude n'exercent aucune influence, et qui oserait le pré- page ix tendre? N'est-ce point le cas de se rappeler la belle parabole du semeur de l'évangile? Une partie de la semence tombe sur le roc dur, et elle se dessèche; une autre partie dans les épines, et elle est étouffée; mais il en tombe une petite quantité dans la terre fertile; celleci lève et donne une abondante moisson. Parce que le succès n'est pas complet au début, faut-il donc ne rien faire et se croiser les bras en désespérant de l'avenir; ce n'est certes pas la leçon que nous donne l'Ecriture.

Les résultats obtenus à Gand prouvent que l'Œuvre de l'épargne dans l'école n'est pas une utopie, mais une idée juste et féconde qui est appelée à un succès durable.

L'épargne a été introduite à Gand dans deux écoles communales vers la fin du mois d'octobre 1866, dans une troisième en 1867 et dans une quatrième en 1868, non par voie d'autorité, mais par voie de recommandation. L'auteur de l'écrit à qui nous croyons devoir accorder le prix est allé d'école en école, de classe en classe et souvent d'élève à élève, expliquer les avantages économiques et surtout les bienfaits moraux de l'épargne.

Afin d'initier les instituteurs et les institutrices au fonctionnement de la Caisse d'épargne, l'auteur a organisé des conférences pour le personnel enseignant, et l'un des instituteurs qui, d'après ses conseils, avait fait une étude spéciale de la loi de 1865, a donné plusieurs conférences sur cette matière.

L'une des principales difficultés qu'on a rencontrées au début était la résistance des parents. Les uns page X croyaient que le gouvernement voulait les dépouiller, les autres se défiaient des instituteurs; cette résistance a été vaincue peu à peu, grâce aux efforts incessants de notre auteur, grâce aux efforts du personnel enseignant et au concours de quelques personnes notables.

Voici comment l'épargne fonctionne à Gand :

L'instituteur de chaque classe tient un registre composé d'autant de feuillets qu'il y a d'élèves. Chaque feuillet est divisé en plusieurs colonnes destinées à contenir, pendant toute une année, l'inscription et la date du dépÔt et du montant de la somme épargnée par l'élève. Les élèves des classes préparatoires et inférieures reçoivent, en retour des épargnes qu'ils apportent à l'école, un feuillet identique à celui de l'instituteur et sur lequel ce dernier inscrit le montant de la somme versée. Les élèves des classes supérieures et moyennes sont tenus de remplir eux-m≖mes leur feuillet.

L'instituteur en chef possède également un registre contenant les noms de tous les élèves de l'école. Il reçoit hebdomadairement, le lundi, par exemple, tout l'argent épargné et en inscrit le montant dans son cahier.

Dès que les épargnes d'un enfant ont atteint I franc, l'instituteur en chef le dépose à la banque contre échange d'un livret. Ce livret, remis à l'enfant afin qu'il le montre à ses parents, est apporté à l'école pour y ≖tre conservé par l'instituteur en chef. Lorsque les épargnes se sont élevées de nouveau à I franc, il est procédé de la m≖me manière à un nouveau versement, qui est inscrit, page XI comme le premier, dans le livret de l'élève, et ainsi de suite.

Les livrets ne sont rendus qu'aux parents des élèves et ils sont tenus de venir les prendre eux-m≖mes chez l'instituteur en chef. Si, pour des motifs plausibles, les parents se trouvent dans l'impossibilité de se rendre à l'école, l'instituteur en chef ne délivre le livret que contre un reçu de ceux-ci. Cette mesure offre une ga-rantie sérieuse, en ce sens qu'elle emp≖che les enfants de retirer leurs épargnes à l' insu des parents.

Quelques chiffres donneront une idée précise des résultats obtenus à Gand par la courageuse initiative de notre auteur et par son zèle infatigable.

Au 30 juin 1872, les écoles de Gand avaient distribué 12,420 livrets et les économies, inscrites sur ces livrets, s'élevaient à la somme de 430,227 francs, qui correspond, en moyenne, à 34 fr. 64 c. par livret.

Les nombres du tableau ci-joint et les tracés qu'ils représentent indiquent de la manière la plus simple la progression de l'épargne dans les écoles de Gand; ils ont été recueillis par un membre du jury, M. Donny.

Diverses publications dues à notre auteur ont engagé d'autres localités à introduire également l'épargne dans l'école.

Voici deux chiffres qui montrent l'influence vraiment remarquable exercée par l'épargne dans l'école. Au 31 décembre 1869, on comptait à Gand 11,334 livrets, tandis qu'Anvers, avec une population presque aussi nombreuse, n'en possédait que 564.

page xii

Le succès le plus soutenu est donc venu couronner l'une des meilleures oeuvres que l'on puisse concevoir. Ce fait, trop peu connu, mérite de fixer l'attention de tout homme qui désire l'amélioration des classes inférieures. Le prix Guinard, en faisant mieux connaître cette Œuvre, contribuera certainement à atteindre le but que son fondateur avait en vue. C'est une heureuse coïncidence que ce prix soit attribué à la ville m≖me où l'idée de le créer est née.

On objectera peut-≖tre que le succès est momentané et exceptionnel, qu'il est dû tout entier aux efforts du philanthrope qui a usé de sa légitime influence sur les instituteurs pour leur inspirer un dévouement rare, sur lequel on ne pourra compter ailleurs. Que cette influence toute personnelle cesse d'agir, et l'influence disparaîtra bientÔt! Certes, on ne peut nier que le succès de l'Œuvre est dû en grande partie à l'auteur de l'écrit auquel nous avons décerné le prix; mais si l'idée sur laquelle elle repose est juste, elle se perpétuera et se généralisera, parce qu'il se trouvera ailleurs des hommes dévoués à la classe laborieuse qui comprendront la nécessité de répandre le goût de l'épargne. Déjà dans d'autres villes, l'Œuvre de Gand a été imitée et une société se forme en ce moment m≖me à Bruxelles pour en favoriser l'extension dans la capitale. Il en est ainsi pour toutes les Œuvres philanthropiques. Sans doute, c'est à M. Schulze-Delitsch que l'Allemagne doit ses banques populaires, mais le principe qui leur a servi de base étant juste, il s'en fonde partout et leur nombre s'accroît sans cesse.

page xiii

A l'appui de sa décision, le jury peut invoquer le témoignage de l'autorité la plus compétente en cette matière, M. Léon Cans, directeur général de la Caisse d'épargne de l'état, dont l'un des derniers rapports officiels contient un passage qui concerne l'épargne dans l'école et l'écrit destiné à en démontrer les avantages

"Déjà l'année dernière, dit-il, j'ai rendu compte des excellentes mesures adoptées par l'administration communale et la commission des écoles de la ville de Gand : faire connaître aux élèves des écoles primaires et des écoles d'adultes l'existence et l'utilité de la Caisse d'épargne, mettre à leur portée les moyens d'y effectuer leurs dépÔts, telle était la combinaison simple et facile, à la réalisation de laquelle les instituteurs et les institutrices de la ville de Gand se sont pr≖tés avec un zèle des plus louables. Dès les premiers jours, le résultat dépassa leur propre attente; non-seulement le sentiment de l'économie se développait et se propageait parmi les enfants, mais il était permis d'espérer qu'il s'étendrait à leur famille. Cet espoir commence à se réaliser.

"Dans une publication inspirée par les idées les plus généreuses et par une grande élévation de sentiments, un membre du conseil communal et de la commission des écoles a exposé en quelques pages les raisons qui démontrent la nécessité de l'adoption du système préconisé, puis il cite les faits réalisés qui ne permettent pas de douter du succès.

"Publié en français et en flamand, sous forme de brochure, cet opuscule a été adressé, par les soins de page xiv M. le ministre de l'intérieur, à tous les instituteurs et institutrices, et par la Caisse d'épargne, à MM. les bourgmestres de la plupart des communes du royaume.

"Le conseil, j'en ai la conviction, voudra bien se joindre à moi pour donner un témoignage de gratitude à l'auteur anonyme de-cette brochure et pour le remercier de ses efforts en faveur de la propagation de l'épargne. C'est véritablement à lui que revient l'honneur d'une innovation qui est de nature à transformer nos populations ouvrières. Cette innovation ne devait, du reste, pas tarder à trouver un grand nombre d'adhérents parmi les administrations communales, ainsi que parmi les instituteurs et les inspecteurs de l'enseignement primaire. Plusieurs villes, notamment Bruxelles, et quelques communes rurales ont mis le système en pratique avant la fin de l'année, et déjà l'on peut con-stater un accroissement considérable du nombre des livrets et des petits versements. Mais le compte à rendre des résultats de ce mouvement, qui n'est qu'à son début, appartient à l'année courante. Je le consigne ici comme un appel aux administrations communales et aux instituteurs qui hésiteraient encore à introduire la caisse d'épargne dans leurs écoles.

"L'administration de la Caisse générale d'épargne sera heureuse de pouvoir rendre hommage au zèle et, au dévouement dont ils feront preuve pour assurer l'organisation de l'épargne clans ces institutions, et elle se montrera toujours disposée à publier les résultats annuels de leur gestion.

page xv

"D'autres moyens ont d'ailleurs été mis en Œuvre pour faire naître et encourager la pratique de l'épargne parmi les élèves des écoles.

"A Gand, les membres du conseil communal, des fabricants et d'autres personnes ont donné leur concours pécuniaire, et des sociétés flamandes ont affecté à "encouragement de l'épargne le produit de représentations théâtrales.

"Le conseil communal de Bruges a résolu d'inscrire au budget, à titre de subside, une somme de 1,000 fr. pour aider à l'introduction de la caisse d'épargne dans les écoles.

"Le comité pour l'encouragement de l'instruction des enfants pauvres dans les écoles communales de Courtrai a décidé d'attribuer aux bonnes notes que les élèves pourront obtenir une valeur én espèces pour former ou accroître leur petit capital d'épargne.

"M. le bourgmestre de Stavelot, président de la succursale de la caisse érigée dans cette ville par son initiative, a souscrit pour une somme de 300 francs par an, et une autre personne de la m≖me ville pour 100 francs, afin d'encourager ou de récompenser l'habitude de l'épargne parmi les élèves des écoles par un versement sur leur livret."

A ce témoignage très-significatif que nous sommes heureux de pouvoir invoquer à l'appui de notre décision, nous pourrions joindre celui de plusieurs hommes d'état et de directeurs d'écoles normales qui ont fait également l'accueil le plus favorable à l'écrit sur page xvi l'épargne, et M. le ministre de l'intérieur a bien voulu, le 29 mai 1872, en demander 8,000 exemplaires, moitié en flamand, moitié en français, pour les distribuer dans toutes les écoles du royaume; plus tard, il en a réclamé encore 1,900 exemplaires pour les écoles nor-males.

En résumé, faire en sorte que l'ouvrier arrive à la possession du capital par l'épargne, et pour atteindre ce but la recommander et l'introduire dans l'école primaire, telle est l'idée qu'a exposée notre auteur, en s' appuyant sur le remarquable succès obtenu dans les écoles communales de Gand pendant la dernière période quinquennale, et cette idée a paru si importante, si juste et surtout si conforme au but du prix Guinard, que le jury, à l'unanimité 1, moins une abstention, a décerné le prix à l'écrit intitulé : "Conférence sui' l'épargne", qui est dû à la plume de M. Laurent, professeur à l'université de Gand.

Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de notre profond respect.

Les rapporteurs,

Henri Maus, Emile De Laveleye.

1 M. Thonissen avait envoyé sa démission avant la décision du jury.