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La Nouvelle-Zélande

Le Phormium Tenax ou Chanvre de Nouvelle-Zélande

Le Phormium Tenax ou Chanvre de Nouvelle-Zélande

A plusieurs reprises depuis quelques mois, des renseignements sur le phormium tenax et des échantillons de cette fibre ayant été demandés au Consulat, il m’a paru utile de résumer en une note certaines informations susceptibles d’intéresser nos commerçants.

Le phormium tenax ou chanvre de Nouvelle-Zélande (New Zealand Hemp) croît un peu partout dans la colonie, mais pousse particulièrement bien dans certains terrains marécageux, pas trop mouillés cependant; il donne les plus beaux plants dans les marais où a été pratiqué un bon drainage. Entretenir les terrains où il croît dans un état constant d’humidité, tout en évitant l’abondance d’eau, c’est l’essentiel pour obtenir des coupes abondantes et une repousse régulière. Là se bornent tous les soins à donner à cette fibre, car, à la différence de la manille avec laquelle elle offre par ailleurs une grande analogie, la culture semble l’atrophier, et tous les essais tentés dans cet ordre d’idées n’ont jamais donné des plants aussi vigoureux et fournis qu’à l’état sauvage.

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De temps immémorial, le chanvre de Nouvelle-Zélande a été utilisé par les Maoris qui en confectionnent des cordes, des manteaux et ces nattes enserrées autour de la taille qui constituaient, alors, leur principal vêtement. Ne connaissant pas les instruments de fer avant l’arrivée des Européens, ils décortiquaient la fibre au moyen de pierres pointues, avant de la sécher au soleil. On conçoit qu’un système aussi primitif ne permettrait pas l’exploitation de ce textile sur une grande échelle; aussi, les premiers colons se préoccupèrent-ils de le traiter par un procédé moins rudimentaire. Voici environ trente ans qu’on la décortique mécaniquement. Les machines employées jusqu’à ce jour ne sont pas très satisfaisantes, aussi le Gouvernement néo-zélandais, soucieux d’encourager une industrie qui paraît appelée à accroître la prospérité du pays, a-t-il décidé d’accorder une prime importante au constructeur de la meillleure machine et une autre à l’inventeur du procédé le plus économique pour blanchir le phormium tenax. Un de nos compatriotes a manifesté l’intention de concourir et annoncé l’envoi de ses plans. Je serais fort heureux si la prime était attribuée à un représentant de notre industrie.

En attendant le perfectionnement désiré, voici comment l’on procède dans la plupart des ( Flax mills )1 que j’ai eu l’occasion de visiter. Le phormium coupé est amené à l’usine et, tout vert, passe dans une décortiqueuse qui sépare la fibre de l’enveloppe. La fibre ainsi décortiquée tombe dans un réservoir où elle est lavée à grande eau courante; elle est ensuite mise a égoutter sur des madriers d’où on l’enlève au bout de vingtquatre heures pour l’étendre au soleil. On ne connaît pas encore d’autre procédé pour la blanchir. En été et quand le temps est-beau, dix jours suffisent pour mener l’opération à bien, à condition de la tourner et retourner fréquemment; en hiver ou par temps pluvieux, il faut, en moyenne, trois semaines pour arriver au même résultat.

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Quand la fibre est bien sèche, elle revient à l’usine où on la prépare de la façon suivante. Deux ou trois ouvriers, ou un plus grand nombre suivant l’importance de l’exploitation, la prennent par paquets qui, en cet état, ressemblent beaucoup à de l’étoupe grossière et la font passer par un tambour auquel un moteur à vapeur imprime un mouvement de rotation très rapide et qui est assez analogue à celui d’une batteuse à grains. Cette opération a pour but de la débarrasser de toute la paille des scories et matières inutilisables. Elle en ressort tout à fait souple. D’autres ouvriers, alors, la tordent en écheveaux et il ne reste plus qu’à la mettre en balles pour l’expédition, ce qui a lieu au moyen d’une presse à vapeur; les balles sont de 200 kilog. en moyenne.

On voit, de suite, ce qui est le plus défectueux dans le système actuel; le temps très long pour l’opération du blanchîment qui peut durer jusqu’à un mois ou cinq semaines quand il fait très mauvais.

Le grand desideratum de tous les préparateurs de phormium est donc un procédé chimique à bon marché qui permettrait de gagner beaucoup de temps et ferait réaliser, en outre, une très grande économie sur la main-d’œuvre. Le charroi, l’étendage et les diverses opérations accessoires exigent un nombreux personnel, ce qui. en raison des salaires fort élevés payés aux ouvriers en Nouvelle-Zélande, augmente, dans une proportion considérable, les frais généraux. On voudrait, en outre, des machines à décortiquer ne brisant pas la plante comme cela a lieu maintenant. On diminuerait, ainsi, le déchet actuellement beaucoup trop grand.

L’exposé ci-après des prix à payer aux ouvriers, étant donné la valeur du produit, montrera tout l’intérêt que les patrons de cette branche d’industrie auraient à restreindre leur personnel par l’emploi d’une machine perfectionnée et surtout, d’un procédé de blanchîment. On paye un ouvrier très ordinaire et les garçons de 15 à 17 ans 7 shellings (8 fr. 75) par jour, et de beaucoup, ce sont les moins nombreux; les coupeurs, batteurs, page 233
Black and white photograph of wool bales ready for transporation. New Zealand, c.1904.

L’industrie Lainière en Nouvelle-Zélande: Le Transport De La Laine d’une Exploitation Agricole a la Gare. Photographie de J. Martin, a Auckland.

page 234 page 235décortiqueurs, ont tous, au minimum, 10 shellings (12 fr. 50). L’usine ne peut marcher, aux termes de la loi, que 9 heures par jour (de 7 h. à midi et de 1 h. à 5 h ) du lundi au vendredi, et, le samedi, il faut éteindre les feux à 1 heure. Si l’on considère que la fibre qui, aujourd’hui, vaut un peu plus cher par suite de circonstances particulières, n’a été payée, en moyenne, ces dernières années, aux producteurs que 15 livres la tonne, on se persuade aisément que les bénéfices ne sont pas gros et que les perfectionnements réclamés sont indispensables pour donner à cette industrie le développement qu’elle mérite.

Le phormium tenax, nous l’avons dit, a une grande analogie avec la manille; en fait, ce sont les cours de cette fibre qui règlent ceux du phormium sur le marché de Londres. La guerre des Philippines, qui a causé l’abandon de la culture de la manille sur beaucoup de points, et aussi l’expulsion par les insurgés, dans certaines localités, des coolies chinois employés, presque exclusivement, à cette culture, a restreint considérablement la production et amené une hausse de prix, dont le contre coup s’est immédiatement fait sentir sur le cours de la « flax ». Elle vaut, actuellement, de 19 à 21 livres sterling la tonne, qualité moyenne, et l’on s’attend à une très forte hausse si la découverte par un ingénieur japonais, annoncée dans la presse d’Australasie, d’un mode de préparation de phormium permettant de l’employer dans le tissage des soies à bon marché, entrait dans le domaine de la pratique.

On trouve sur le marché trois qualités de chanvre de Nouvelle-Zélande. La première, qui ressemble le plus à la manille, serait utilisée surtout, m’affirme-t-on, pour être mélangée à la fibre des Philippines; outre cet emploi un peu étranger à la stricte probité commerciale, on l’utilise aux mêmes fins que le chanvre d’Europe, principalement pour les cordages de navire et la ficelle fine. La qualité moyenne sert, aussi, à ces deux usages mais pour les sortes un peu moins bonnes. La troisième, enfin, est employée pour la corde ordinaire, les licols, ficelles à bon marché, etc, etc.

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La Nouvelle-Zélande a exporté, l’an dernier, environ 7000 tonnes de chanvre indigène, et l’on s’attend à une augmentation sensible pour l’année courante. II n’en a pas été envoyé directement en France jusqu’à ce jour, à ma connaissance du moins, tous les ordres pour l’Europe passant par Londres. Le consulat indiquera volontiers aux marchands de cordages français, qui désireraient traiter sans intermédiaires avec cette colonie, une maison des plus honorables disposée à envoyer du phormium sur le marché français. Un de nos compatriotes, propriétaire de deux usines, serait même préparé, si je suis bien informé, à passer des traités pour deux ou trois ans, s’il était assuré d’un prix suffisamment rémunérateur pour s’engager durant cette période.

1 Usines à préparer le phormium. — Flax est le nom vulgaire de cette plante dans la colonie.