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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 85

Chapitre VIII. — Paléontologie sociale

Chapitre VIII.

Paléontologie sociale.

La paléontologie sociale n'est autre chose que l'histoire des sociétés animales et humaines. Paléontologie proprement dite, histoire antéhistorique, histoire ancienne, du moyen âge, moderne, contemporaine: telles sont les sources auxquelles la paléontologie sociale emprunte ses données.

Elle comprend l'histoire des sociétés vívanles et éteintes. Elle montre que les sociétés actuelles descendent par voie de transformation des sociétés qui ont vécu aux différentes époques do la formation du globe.

Le transformisme ne peut être nié en Sociologie. Il explique tout ce que, suivant M. Broca, la théorie de l'évolution des espèces explique en biologie, c'est-à-dire l'existence de la série sociale et le mode de répartition des sociétés qui la composent, la succession des formes organiques et leur complication croissante d'époque en époque, le grand principe de l'unité de composition sociale, révolution des phases embryonnaires qui reproduisent à l'état transitoire, chez les sociétés les plus élevées, les conditions organiques permanentes des sociétés moins élevées, l'existence des organes inutiles ou rudimentaires qui doivent être considérés comme les témoins d un état de choses antérieur où ils étaient plus développés et où ils remplissaient une fonction, l'existence des sociétés anomales, produits d'une évolution inachevée ou contrariée par le conflit des causes multiples qui modifient les organismes, l'existence des parasites sociaux, celle des métis féconds ou inféconds, page 29 métis dont le degré de perfection décroît à mesure que la distance des espèces mères est plus grande, et enfin l'adaptation des sociétés au milieu.

Modes de transformation sociale.

Les transformations, sociales ne sont pas générales. Certaines sociétés inférieures n'ont pas bougé depuis que nous les connaissons, de même que nous trouvons actuellement des espèces animales et végétales identiques à leurs congénères des époques géologiques.

Il peat se faire que cet arrêt de développement dure un temps plus ou moins long et soit suivi de transformations nouvelles. Mais dans ce cas l'arrêt n'a été qu'apparent. Les générations sont longtemps restées invariables en apparence, mais elles n'en subissaient pas moins une altération interne qui, arrivée à un certain point, devait produire nécessairement une transformation. Exemple : la Révolution de 89, qui était faite dans les idées avant de l'être dans les institutions.

Chez les sociétés supérieures, chaque génération marque un progrès insensible de développement. Ces sociétés perdent des organes et en acquièrent de nouveaux. Mais cette perte et cette acquisition se font progressivement et non d'une manière brusque. Aussi voit-on dans ces sociétés des organes en voie de disparition et-complètement inutiles et même nuisibles à la société rester à l'état rudimentaire pendant des siècles. La même chose se voit dans les animaux. Exemple : l'appendice du cœcum, etc.

Chez les sociétés supérieures, la rapidité de la transformation augmente avec la perfectibilité.

Enfin, en Sociologie comme en Biologie, il peut y avoir des métamorphoses rétrogrades. Quelquefois cette métamorphose peut être forcée. Exemple : le castor, qui, poursuivi par l'homme, a renoncé à la vie sociale, et de maçon qu'il était s'est fait mineur.

Agents de la transformation.

Milieu, concurrence vitale, sélection naturelle, tels sont les agents à l'influence desquels en biologie on attribue les transformations des êtres. Nous croyons que les mêmes causes produisent les mêmes effets en Sociologie qu'en Biologie.

Le milieu social exerce une certaine influence sur les transformations des sociétés, qu'on peut à ce point de vue diviser en trois catégories : celles qui se civilisent elles-mêmes, celles qui se laissent civiliser, et celles qui résistent a la civilisation. Au contact d'un page 30 peuple civilisé, tin peuple à demi-civilisé se développe en civilisation; exemple : les populations autochthones de l'Europe; mais pour qu'il y ait civilisation, il ne faut pas que la distance entre les deux peuples soit trop grande.

La cause indirecte sinon première des transformations sociales, c'est l'accroissement des connaissances entraînant l'accroissement du volume du cerveau. La capacité moyenne du crâne s'est accrue en six ou sept siècles de 35 centimètres cubes, et cet accroissement a porté presqu' entièrement sur la région antérieure du cerveau. Les facultés intellectuelles et morales se sont développées d'une manière exceptionnelle. D'après Darwin, la sympathie s'accroît suivant une certaine progression. La sympathie s'étend à la tribu, puis à de plus grandes communautés, à la nation; à toutes les nations, à toutes les races, à tous tes animaux.

Grâce au développement des facultés de sociabilité, les tribus s'unissent pour former les provinces, les provinces se fusionnent pour former les nations, et celles-ci se fusionnent à leur tour pour former les États unis.

Le mouvement de fusion des sociétés se compose de deux phases : la première est marquée parla fédération destribus, provinces, etc., la seconde par leur fusion en un tout indivisible.

Ces changements, qui modifient la forme et le volume d'une société et qu'on pourrait appeler pour cette raison morphologiques, sont toujours accompagnés sinon précédés de changements internes qui modifient l'organisation même du corps social. Dans chaque commune, dans chaque province, dans chaque partie des sociétés, les systèmes, les tissus, les organes, les appareils sociaux se développent, les fonctions se multiplient en même temps que s'accroît la solidarité qui unit les diverses parties de la société. Grâce à ce travail d'organisation, l'individualisme, la guerre, la concurrence vitale, la lutte pour l'existence font place au libre échange, au solidarisme, représenté par les associations et par l'État, qui n'est que la solidarisation des associations elles-mêmes. Le système nerveux social devient de plus en plus prédominant et finira par présider au fonctionnement de tous les autres systèmes.

Mais, comme nous le disions tout à l'heure, l'organisation n'a pas lieu seulement entre les diverses parties d'une société, elle a lieu entre les sociétés elles-mêmes. Le travail ne se divise plus seulement entre les communes ou les provinces, mais entre les nations semblables qui se fédéralisent comme les segments d'un annelé, en attendant quelles se fusionnent complètement pour former d'immenses vertébrés.

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Nous croyons que si l'organisation sociale continue à s'effectuer suivant les lois de la Biologie, il arrivera un moment où les organismes sociaux seront comparables en tous points aux organismes supérieurs. M, Ch. Robin a écrit quelque part : «L'économie animale est le type de toute organisation à imiter ou à suivre du pins près possible, toutes les fois qu'il s'agit de donner une communauté d'efforts à ce qui ne peut s'effectuer que par la division du travail.»

Au point de vue pratique, nous pensons en effet que l'application des lois de l'organisation aux transformations sociales hâterait singulièrement l'évolution des sociétés.

Il importe donc que tous les hommes appelés à jouer un rôle dans le gouvernement soient des biologistes. Il importe que le pouvoir délibératif appartienne à la partie savante et pensante de l'organisme social. Alors les actes sociaux seront intellectuels et non irréfléchis. Alors on ne verra plus des hommes politiques demander le retour à la libre concurrence en matière de transport, la décentralisation gouvernementale et autres métamorphoses rétrogrades.