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The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 28

VIII

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Je viens de vous parler de parents qui résistent à nos conseils. Vous trouverez cette résistance partout dans les commencements. La défiance y est pour beaucoup; cela se page 24 comprend : les malheureux qui ont confié leurs économies à des notaires, à des banquiers ont été si souvent trompés! Il faut donc leur expliquer que la Caisse d'épargne n'est pas une banque établie et gérée dans l'intér≖t du banquier, que c'est une institution de bienfaisance, organisée par l'état et placée sous sa garantie. Il faut leur dire que la Caisse d'épargne, ne se livrant à aucune spéculation, ne peut pas éprouver de pertes. Voilà pourquoi elle ne donne qu'un intér≖t relativement modique, 3 p. c.; mais cet intér≖t est assuré, et il s'augmente par le partage des bénéfices qui se fait tous les cinq ans entre ceux qui ont conservé leur livret; il en résulte que l'intér≖t touché par les déposants sera approximativement de 4 p. c.

Cet intér≖t de 4 p. c. ne satisfait pas encore les déposants. Il en est qui retirent leurs économies dès qu'elles s'élèvent à une somme qui leur permet d'acheter un lot avec primes. On achète pour 100 francs, je suppose, un lot de Gand, qui rapporte un intér≖t de 3 p. c., et l'on a la chance de gager une des primes qui chaque année sont tirées au sort. C'est une véritable loterie que, pour ma part, j'ai toujours désapprouvée; toute loterie est une duperie, c'est un jeu de hasard que nos lois prohibent, parce que ce jeu tourne toujours au profit de celui qui tient le jeu, et au préjudice de ceux qui jouent. Il est vrai que le lot à prime donne un intér≖t de 3 p. c.; mais au lieu d'acheter un lot à prime pour 100 francs, l'on peut acheter un coupon de rente sur l'état qui donne un intér≖t de 4 ou de 4 ½ p. c. On sacrifie donc un intér≖t assuré de I ou I ½ p. c., pour une chance qui est une chimère pour l'immense majorité de ceux qui ont des lots. Voici l'inconvénient de ce jeu : c'est qu'il nourrit l'espérance d'une fortune subite due au hasard. Or, il faut inspirer à l'ouvrier, non pas le désir de faire fortune par un coup de hasard; il faut lui dire, au page 25 contraire, qu'il ne doit pas désirer de devenir riche dans un instant, mais qu'il doit chercher à améliorer sa condition par des moyens sûrs, c'est-à-dire en plaçant ses économies à la Caisse d'épargne ou en rentes sur l'état. L'administration de la Caisse d'épargne se charge elle-m≖me d'acheter des rentes sur l'état au profit des déposants qui le demandent.

Le sujet que je viens de toucher, mes amis, est d'une haute gravité; il faut le méditer, et recommander à toute occasion et à vos élèves et à leurs parents le travail et l'économie qui donnent un revenu assuré; il faut les détourner de toute espèce de jeu de hasard; les espérances que fait naître un gain dû à un coup du sort sont malsaines. Ce n'est pas là, du reste, le plus grand obstacle à l'épargne, car l'achat des lots suppose que l'ouvrier a déjà économisé un petit capital. A l'école m≖me, vous rencontrerez une résistance souvent obstinée, quand c'est une école dite payante qui reçoit les enfants de la bourgeoisie. Sur 1,029 élèves de nos écoles payantes, il n'y a que 455 livrets; donc 574 élèves n'en ont pas. Il y a des parents qui placent eux-m≖mes les économies de leurs enfants : à cela il n'y a rien à dire. Il y a des familles où les enfants ne reçoivent pas ce qu'on appelle des menus plaisirs. A cela encore il n'y a rien à dire. Mais il y a des raisons moins bonnes qui emp≖chent les familles bourgeoises de participer à l'épargne : disons le mot, ce sont des préjugés de vanité. On ne veut pas ≖tre confondu avec les enfants de nos écoles gratuites; ou bien on n'aime pas à apporter quelques centimes chaque semaine, alors que d'autres enfants apportent des sommes plus considérables; ou bien encore on préfère acheter des friandises. La vanité est un défaut, et un grand défaut, on pourrait dire qu'elle est, comme l'oisiveté, la mère des vices. Les parents devraient comprendre cela, et combattre ce défaut page 26 chez leurs enfants au lieu de le nourrir. La gourmandise et la friandise sont d'autres défauts, dont il faut également les corriger. Que si les parents ne le font pas, c'est à vous, mes amis, de le faire. Vous ≖tes appelés à élever les enfants et non à flatter leurs défauts. Pr≖chez-leur donc l'économie et les bienfaits moraux dont elle est la source. Et ne vous découragez jamais, revenez sans cesse à la charge et vous finirez par l'emporter.

J'arrive au plus grand de tous les obstacles. L'enfant quitte l'école; continuera-t-il à épargner? Ceux qui sont hostiles à l'épargne prétendent que non, et disent que l'épargne à l'école est un mouvement factice et partant illusoire. On a posé aux instituteurs et aux institutrices en chef de Gand la question suivante : "Combien d'élèves y a-t-il qui, ayant quitté l'école, continuent à épargner?" La réponse a été, pour toutes nos écoles, que 668 élèves continuaient à épargner. Quelques chefs d'école ont répondu qu'aucun élève ne continuait à épargner; ils entendent sans doute dire qu'aucun élève ne continue à épargnera l'école, car ils ne peuvent pas savoir si, après avoir quitté l'école, ils continuent à épargner ou non. Toujours est-il constant que l'épargne continue, alors m≖me que les élèves ont quitté l'école, et il est tout aussi certain qu'un grand nombre d'enfants demandent le remboursement de leurs livrets au sortir de l'école. Pour mieux dire, ce sont les parents qui retirent l'argent déposé par leurs enfants. Cela prouve que l'obstacle que je vous signale est en grande partie temporaire et qu'il ne faut pas trop s'en inquiéter. L'épargne ne peut pas pénétrer dans les mŒurs subitement. Il faut que les générations élevées dans l'épargne grandissent. C'est une révolution lente, mais sûre que nous préparons; de m≖me que les arbres séculaires, cette révolution doit avoir le temps de jeter ses racines. Dès maintenant, mes amis, il faut travailler en vue de l'avenir.