Other formats

    Adobe Portable Document Format file (facsimile images)   TEI XML file   ePub eBook file  

Connect

    mail icontwitter iconBlogspot iconrss icon

The Pamphlet Collection of Sir Robert Stout: Volume 28

VI

VI

A vous, il est inutile de dire que l'homme a des devoirs à remplir, sur cette terre, envers lui-m≖me et envers ses semblables. Et vous comprendrez très-facilement que l'épargne est un de ces devoirs. Dieu nous a donné comme loi de nous perfectionner : tel est notre premier devoir; de là découlent tous les devoirs que la religion et la morale nous imposent. Il faut avant tout que l'homme vive. Comment se procure -t-il les moyens de subsistance? Par le travail, en prenant le mot dans sa plus large acception, le travail intel-lectuel et le travail matériel. Le travail ne suffit pas; la maladie peut nous emp≖cher de travailler, ainsi que la vieillesse; m≖me dans la force de l'âge, le travail peut manquer à l'ouvrier. De quoi vivra -t-il alors? S'il n'a pas épargné une pomme pour la soif, il devra mendier. Dieu nous a-t-il créés pour mendier? et si tout le monde mendiait, qui donnerait aux mendiants? Non, le travail procure aussi les moyens d'exister, alors que nous ne pouvons pas travailler: c'est l'économie sur ce que nous gagnons en travaillant. Dépenser moins que l'on ne gagne, voilà un moyen assuré de nous garantir de la misère et de nous procurer l'aisance, la richesse m≖me; car c'est ainsi que se sont formés les capitaux, et qu'ils se forment encore sous nos yeux. Le travail étant un devoir, l'épargne est aussi un devoir. Si l'ouvrier le remplit, il en sera récompensé par l'aisance qui régnera dans sa famille.

Il se plaint de n'avoir pas d'intérieur, pas de foyer do- page 20 mestique. Nous lui donnons un moyen de s'en créer un, c'est l'épargne. Je connais un ouvrier qui fréquentait l'école d'adultes avec son fils. Il avait un livret de plus de 1,200 francs; au moment où je vous parle, il a certainement 1,400 ou 1,500 francs. C'est un capital qui lui permet de devenir propriétaire d'une maison. Ce qu'un ouvrier fait, pourquoi tous ne le pourraient-ils pas? Les ouvriers n'ont aucune idée de la puissance de l'épargne. Au Ier juillet 1871, les écoles communales de Gand avaient déposé à la Caisse d'épargne une somme de fr. 279,857-63. Et cette somme est loin de représenter ce qui a été économisé depuis que l'épargne est introduite à l'école, car il se fait beaucoup de remboursements : je vous ai déjà dit que, dans le premier semestre de cette année, on avait remboursé fr. 26,936-12. Et le mouvement de l'épargne va tous les jours croissant. Quand tous les élèves de nos écoles épargneront depuis l'école gardienne, nous arriverons à des millions.

Je ne veux pas donner aux ouvriers des espérances chimériques en leur promettant des châteaux en Espagne. La voie de la richesse leur est ouverte;il y a des fabricants qui ont commencé par ≖tre ouvriers, mais tous les ouvriers ne peuvent pas devenir fabricants. Presque tous sont destinés à rester ouvriers. C'est comme ouvriers qu'ils doivent chercher à améliorer leur condition. L'épargne leur en donne le moyen. Je viens de dire que l'ouvrier qui épargne peut devenir propriétaire de la maison qu'il habite. Voilà déjà un immense bienfait. Il aura donc un intérieur à lui, il aura une famille. Aujourd'hui, il n'est que trop vrai que l'ouvrier fuit le domicile conjugal pour se livrer aux funestes plaisirs du cabaret. Ce n'est pas la faute de sa position sociale, c'est lui le coupable. S'il épargnait l'argent qu'il dépense au cabaret, il pourrait se créer un foyer page 21 domestique où il trouverait le contentement et le bonheur. La faute en est aussi à la femme de l'ouvrier. Quand elle est inculte et dépensière, le désordre règne dans la famille et, à sa suite, la g≖ne, la malpropreté et la misère. Je vois avec bonheur s'augmenter, dans nos écoles, le nombre des ouvrières qui font des épargnes. Quand la femme de l'ouvrier sera économe et que l'ouvrier le sera également, leur condition sera transformée.

Vous apprendrez un jour, mes amis, peut-≖tre savez-vous par l'expérience de votre famille, que la plaie des ménages ouvriers, c'est l'achat à crédit, op den plak, comme on dit chez nous. Celui qui achète à crédit achète cher, et de mauvaises marchandises; il paye donc un intér≖t usuraire des avances qu'on lui fait. C'est dire qu'il sera endetté toute sa vie, et par conséquent toujours misérable et malheureux. L'épargne permettra à l'ouvrier d'acheter au comptant, de faire ses provisions, comme font les bourgeois. Avec l'aisance, le contentement et le bonheur régneront dans les familles, où règne maintenant la discorde, la misère et le malheur.

La famille! C'est là que l'ouvrier doit chercher son bonheur, ce n'est pas au cabaret. Le désordre et la dissipation font de la famille un enfer; l'ordre et l'économie en font un ciel. Que l'ouvrier ne dise pas que le long travail auquel il est soumis ne lui laisse pas le loisir nécessaire pour vivre de la vie de famille. Sans doute, son travail est rude; mais ne voit-il pas que son patron est aussi à la fabrique, au comptoir, pendant toute la journée? L'homme d'études est également éloigné des siens. La femme préside au ménage; les enfants sont à l'école; on se voit à midi et le soir. Qu'est-ce qui emp≖che l'ouvrier d'en faire autant? Qu'il quitte le cabaret et il aura les loisirs qu'il se plaint de ne pas avoir. Au sortir de l'atelier, il sera heureux de voir ses page 22 enfants; il s'informera de ce qu'ils font à l'école; il prendra part à leurs jeux. Il y a des jours de repos, il les passera tout entiers au sein de sa famille, au lieu de les passer dans la débauche. Ne sont-ce pas là toutes les conditions du bonheur?