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Historical Records of New Zealand Vol. II.

Extrait du Journal de Pottier de L'Horne, Lieutenant — du vaisseau Le St. Jean Baptiste pour le Voyage des — découvertes dans le Sud commencé en 1769 et fini — en 1773. (Commandant M. de Surville qui périt à la C te — du Pérou devant Chilca)

Extrait du Journal de Pottier de L'Horne, Lieutenant
du vaisseau Le St. Jean Baptiste pour le Voyage des
découvertes dans le Sud commencé en 1769 et fini
en
1773. (Commandant M. de Surville qui périt à la C te
du Pérou devant Chilca).

Description et remarques de la Baie Lauriston a la N'velle Zélande, des habitants, du terrain et des productions de la partie de cette terre que nous avons fréquentée.

La terre, qui porte dans la carte le nom de Nouvelle-Zéélande fut découverte par Abel Tasman le 13 décembre 1642, il la cotoya depuis les 42° 10 de latitude Sud jusque par les 34° 35 aussi Sud. Ce qu'il en dit ne nous donne pas de grandes lumières sur ce pays et m'a paru faux dans quelques points.

Ces peuples sont d'une taille assez haute en général, mais sans être gigantesque, on en trouve même d'assez petits, témoin celui que nous avons enlevé; ils seraient bien faits s'ils n'avaient

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tous les jambes si grosses qu'elles en paraissent enflées. Leur couleur n'est pas noire, ils sont basanés foncés en général; leur figure n'a rien de dégoutant et leurs traits sont assez réguliers: j'ai même vu des enfants qui avaient des figures charmantes et de très beaux yeux.

Ce que j'ai dit des hommes ne doit pas s'entendre des femmes, en général elles sont très laides et si on en trouve quelques unes de passables, on les regarde comme belles en comparaison de la foule; j'en ai cependant vu une jolie dont les traits étaient assez réguliers, mais les yeux répondaient mal au reste de la figure, elle pouvait avoir 15 ou 16 ans, elle était aussi dégôutante que les laides par la malpropreté qui leur est commune avec les hommes.

Ce que j'ai remarqué dans la conduite des hommes et des femmes me ferait croire qu'un homme et une femme ne s'attachent l'un à l'autre qu'autant qu'il provient quelque fruit de leur commerce, et alors les hommes sont jaloux de leuis femmes autant de temps que dure la société. Il ne m'a pas paru que les femmes qui ne ont point attachées à des hommes par a fécondité fussent dépendantes de qui que ce soit, car comment expliquer autrement la conduite sans pudeur que nous leur avons vu tenir, provoquant à l'état amoureux par les signes les plus effrontés se montrant à nu à la première réquisition, offrant de se laisser caresser devant tout le monde, ou de suivre où l'on voudrait les conduire, et quand on leur faisait signe qu'on ne voulait pas devant tout le monde elles indiquaient que cela leur était égal. La veille surtout de notre départ, trois des moins laides du village près du quel nous étions, vinrent danser devant nous à leur mode, de la façon la plus lascive. Leurs intentions n'étaient point équivoques, mais elles n'en tirèrent pas tout le succès qu'elles s'en étaient promises. Pendant qu'elles dansaient, il y avait une vieille accroupie qui les animait du geste et de la voix. Dans les premiers jours, il en venait beaucoup dans les pirogues, le long du bord, qui, de là provoquaient par des signes qu'elles croyaient bien touchants nos matelots à bord de nos bateaux et du vaisseau où elles montaient quelquefois. Malgré tout cela, j'ai vu des hommes qui m'ont paru très jaloux de leurs femmes; tandis que j'en ai vus d'autres qui venaient en offrir.

On ne peut pas dire que ces hommes soient absolument nus; on ne doit cependant pas dire qu'ils se couvrent par pudeur. L'habillement général, tant des hommes que des femmes, consiste dans une grande natte faite de plusieurs autres petites nattes rapportées ensemble qui leur descend des épaules jusqu'aux talons et s'attache sur la poitrine avec une petite ficelle; cette natte qui fait l'effet à peu près d'une chape

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d'église ne leur couvre point les parties qu'ils ne se mettent pas en peine de cacher.

Au lieu de natte, les chefs portent de grandes pelisses faites de plusieurs peaux de chien cousues ensemble, et ces pelisses sont plus on moins grandes selon le rang et la dignité, ils en mettent le poil en dehors lorsqu'ils sont en cérémonie et le tournent en dedans lorsqu' ls sont en liberté pour se garantir du froid. Tous les chefs, ou principaux d'entre eux, et même les vieillards, outre la pelisse ou la natte, portent sur les reins une espèce de tissu dont je vais parler et qui leur couvre les parties de la génération, mais c'est plutôt pour se garantir du froid que par des sentiments de pudeur dont les premières notions leur sont tellement étrangères qu'ils pissent comme ils se trouvent avec aussi peu d'attention qu'aucun animal que j'ai vu et sans se détourner de devant qui que ce soit.

Quelques uns, au lieu de natte, portent sur leurs épaules une espèce de tissu qui leur descend jusqu'au jarret, mais qui ne les couvre pas plus modestement que les nattes, quoiqu'il soit plus flexible; il est fait d'une espèce d'herbe qui a des filaments comme le chanvre (je n'ai point vu cette herbe sur pied). La chaîne en est très serrée et de la longueur que l'exige l'usage au quel il est destiné, mais entre chaque trame, il y a au moins un bon pouce d'intervalle; ils laissent pendre en dehors de longs filaments pour augmenter sans doute la chaleur de ce vêtement, c'est avec un pareil tissu que les grands du pays et les vieillards se couvrent les reins, toutes les femmes portent un pareil tissu ou un morceau de natte, en quoi elles sont plus modestes que les hommes pour cette partie, mais elles les surpassent aussi en libertinage.

Leur manière de vivre est très misèrable, leur aliment le plus commun est la racine de fougère, ils la font sécher et avant de la manger, ils la chauffent au feu et la battent; cela leur sert de pain; ils ont outre cela du poisson en abondance, on y trouve des maquereaux, des lubines, des cabots, une espèce de raie qu'on appelle Diable de mer, des plies, des Calahons, des grondins, des rougets, &c., &c., tous excellents poissons; ils en font sécher pour l'hiver, car alors leurs côtes sont impracticables. L'été ils en mangent qu'ils font cuire de cette façon ils creusent un trou dans la terre, le remplissent à moitié de pierres ou de cailloux sur lesquels ils allument un grand feu; lorsque les pierres ont acquis le degré de chaleur convenable, ils les retirent du trou pour y mettre leur poisson qu'ils ont préparé et enveloppé de feuilles, ils remettent les pierres par dessus, couvrent le tout de terre et laissent cuire leur poisson à un degré convenable, ils ont aussi quelques patates et quelques calebasses en très petites quantités et une espèce de racine qui a beaucoup de

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rapport à l'iris; ils se régalent de temps en temps de viande de chien et de viande humaine lorsqu'ils peuvent attraper quelqu'un de leurs ennemis (car ils sont anthropophages, comme je le dirai après). On voit par cet exposé qu'en général leur nourriture est fort misérable; aussi leurs excréments ressemblent-ils à ceux du cochon.

Je mets au nombre de leurs ornements la manière dont ils se peignent le visage, les fesses et autres parties du corps; la peinture du visage est un signe de distinction, aussi tous n'ont pas le visage peint et ceux qui l'ont peint ne l'ont pas de la même façon; les uns se font peindre les ¾ du visage, ce qui fait un effet fort bizarre et singulier, car il ne s'en faut que la moitié du front qu'ils n'aient tout le visage peint de ceux-la je n'en ai vu qu'un seul qui était le chef de tous les villages voisins; il peut se faire que ce chef eût encore un supérieur qui eût tout le visage peint. D'autres n'ont de peint que depuis les deux pointes des sourcils et le haut du nez jusqu'au bas du visage. Ceux-là, à la pointe de chaque sourcil à cêté du nez, ont deux espèces de cornes peintes qui s'élévent d'environ ¾ de pouce ou d'un pouce sur le front, ils sont inférieurs d'un grade à celui qui a les ¾ du visage peint. D'autres n'ont qu'un côté du visage et alors cette peinture leur descend le long du col jusqu'à la naissance des épaules. D'autres enfin n'ont que les deux cornes entre les deux sourcils et ces deux cornes n'ont pas toujours la même forme, ceux-la m'ont paru être les derniers des grands. Il n'en est pas de même pour la peinture qu'ils se font aux fesses, tous les hommes et toutes les femmes indistinctement les ont peintes, ce sont des bandes larges d'environ un pouce en façon de ligne spirale. Ils m'ont fait entendre que cette peinture était un acte de religion. Les grands ajoutent une peinture d'enjolivement à ces spirales, plus ou moins étendues selon leur dignité; il y en a aussi qui portent à chaque gras de jambe un morceau de la même peinture qui fait la figure marquée à la marge ci-contre. Celui que nous avons en notre pouvoir en a de même à la jambe droite et une autre sur la gauche.

Les femmes n'ont pas le visage peint, excepté la lèvre inférieure; encore cela n'est pas général, car celle qui m'a paru la plus jolie n'avait que deux petites taches carrées sur cette même lèvre et 4 autres rondes dont deux à chaque côté de la bouche au dessus et au dessous, mais outre la peinture des fesses qu'elles ont commune avec les hommes, elles ont une peinture au-dessous de la gorge sur l'estomac. Je n'ai point remarqué que ce fut chez elle une marque de distinction, je le crois plutôt un ornement de fantaisie: ajoutez à cela qu'il y en a très peu qui le portent, je n'en ai vu que deux ou trois et la femme qui

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paraissait attachée au grand chef n'en avait pas. Je n'ai pas remarqué que les enfants eussent aucune peinture.

Les hommes ont en général peu de barbe, j'ai cependant vu un vieillard qui l'avait bien fournie; il m'a paru qu'ils n'aiment point ce poil qui vient au visage et qu'ils l'arrachent autant qu'ils peuvent, mais enfin comme il en vient malgré leurs soins, ils n'ont point le talent de le couper ce qui les fâche beaucoup. Il entra un jour un de ces sauvages dans ma chambre lorsque j'étais à me faire la barbe; il parut si enchanté de la facilite avec laquelle mon rasoir la coupait qu'il me pria de couper la sienne, ce que je fis autant pour ma satisfaction que pour la sienne, il ne manqua pas d'admirateurs, de camarades qui voulaient que je leur en fasse autant, mais je n'avais pas entrepris tant d'ouvrage.

Ils ont les cheveux longs et plats, mais ils les attachent sur le sommet de la tête, ils y mettent des plumes d'oiseaux, surtout des blanches dont ils sont fort amoureux et les placent en différents sens selon leur goêt, cet ornement est commun aux deux sexes. Ils se mettent dans les cheveux une peinture rouge délayée avec de l'huile (je n'ai pu savoir ni de quelle matière ils la tirent, ni leur manière de la tirer), ce qui du premier coup d'œil me fit croire qu'ils avaient les cheveux de cette couleur. Ils s'en mettent aussi sur le front, quelques uns même s'en frottent tout le corps, mais j'ai cru remarquer que cet usage était reservé aux petits-maîtres.

Ils ont tous les oreilles percées, tant hommes que femmes et ils y pendent différents ornements. Le plus commun est une espèce de pierre d'un vert quelquefois pâle, quelquefois laiteux et quelquefois assez gai, mais c'est toujours la même nature de pierre, elle est transparente, peu dure, prenant un beau poli; à la dureté près elle ressemble à la pierre des amazones dont parle M. de La Condamine. Cette pierre est taillée tantôt en cylindre appointi par un des bouts, tantôt plate comme une fiche dont on se sert au jeu. Elle est percée à l'un des bouts et ils y passent un cordon assez grossier pour se l'attacher à l'oreille. D'autres, au lieu de ces pierres, y portent des os ou dents de poisson en forme de langue de serpent dont les deux côtés sont dentelés très fin. En général, ils croient que tout ce qui est pendu aux oreilles sert d'ornement, j'en ai vu qui y avaient pendu des morceaux de biscuit que les matelots leur avaient donnés. Il y en a beaucoup qui portent au col une espèce de simulacre, fait de la même pierre dont j'ai parlé cidessus, j'en parlerai à l'article religion.

Je ne dois pas oublier de dire ici que la peinture dont j'ai parlé plus haut n'est point une couleur appliquee, c'est une

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peinture incrustée dans la peau de la même façon que certaines personnes se font incruster des croix sur les bras; ils se servent pour cela d'un morceau de bois plié par un bout en angle droit et fort pointu par ce bout, ils frappent sur ce bois avec un autre morceau et ensanglantant légérement la partie selon le dessin qu'ils veulent suivre; ils y appliquent ensuite de la poudre de charbon très fine, ils font cette opération très promptement, et étant une fois faite, elle ne s'efface jamais.

Leurs cases ou logements ont en général la forme d'un carré long; elles peuvent avoir 3 pieds d'élévation de murailles et de toit 7 a 8 pieds, 8 ou 10 pieds de long sur 4 ou 5 de large; toutes n'ont pas la même grandeur, l'entrée en est fort petite. La plus grande que j'ai vue n'avait que 2 pieds ½ de haut sur un pied ½ de large; ils font du feu à la porte de leurs cabanes. Cette porte qui est l'unique issue est toujours tournée du côté opposé au mauvais temps, car ces cases sont construites de morceaux de bois en forme de tringles se coupant en angles droits attachés fortement ensemble à tous les points d'interjection et aboutissent à des piquets plantés solidement à chaque coin. Ils couvrent cette charpente de plusieurs couches de jonc ce qui les garantit très bien des injures du temps. La plupart des cases n'ont point de battants de portes; celles qui en ont, ont leurs jambages ornés d'un simulacre que j'ai pris pour la figure de leur dieu pénate. La planche qui sert de porte se ferme de façon qu'elle est difficile à ouvrir pour ceux qui en ignorent le secret. J'ai remarqué que le chef avait plusieurs habitations dans lesquelles il allait se loger soit pour son plaisir soit qu'il y fut appelé pour les affaires de sa nation lorsqu'il va ainsi d'une habitation à l'autre, il emporte toutes ses richesses avec lui, je crois que les particuliers qui ont plusieurs cases en usent de même; alors les cases restent vides et le plus souvent ouvertes.

Telle est en général la construction de leurs cases, j'en ai cependant vu quelques unes construites en rond et couvertes de roseaux, mais elles ne m'ont pas paru être des cases destinées à une habitation fixe. Je dirai après ce que je pense de ces habitations éparses qui paraissent destinées à se cacher pendant quelque temps. Leurs villages ne sont composés que de 5 à 6 cases au plus, mais leurs villes en contiennent davantage que j'appelle leurs lieux de refuge ou leurs citadelles. Ce lieu est le plus escarpé qu'ils peuvent choisir. Les cases y sont placées en gradins, c'est là qu'ils se réfugient pour se mettre à l'abri des incursions de leurs ennemis et pour se défendre contre leurs attaques. Alors toutes les cases éparses dans la campagne sont abandonnées, tout le monde se retire sur la citadelle; mais comme il ne peut y avoir assez de cases pour loger toutes les

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familles dans une même case se mettent, je pense, plusieurs families. Aussi lorsque nous sommes arrivés ils se sont toujours tenus assemblés sur leur citadelle; toutes les cases de la campagne étaient abandonnées et sur plus de 50 que nous avons rencontrées en nous promenant, nous n'en avons trouvé qu'une seule habitée, encore nous parut-il que c'était pour se cacher.

On voit par là que ces peuples ne sont pas expérimentés dans l'art de la guerre; ils ne connaissent d'autres fortifications que des endroits de difficile accès formé par la nature; du reste point de murailles pour empêcher l'ennemi de les surprendre; un fossé médiocrement large que j'appellerais mieux une coupée derrière laquelle on a planté quelques pieux fait tout le retranchement des endroits qui seraient le plus faciles à aborder. Leurs armes ne donnent pas une plus grande idée de leur génie militaire. La principale est la lance; si on peut appeler de ce nom un morceau de bois rond et pointu par un bout. J'en ai mesuré une qui avait 21 pieds 8 pouces de long et 2 pouces 9 lignes de diamétre, par cette dimension on peut juger combien cette arme est redoubtable, toutes ne sont pas de même longueur et quelques uns d'entr'eux arment la pointe de ces lances d'un os qu'ils prennent près la queue du poisson qu'on appelle Diable de mer, il le porte au bout de la naissance de la queue. Cet os est assez pointu et armé d'une dentelure assez fine recourbée vers la racine, ils les ornent quelquefois d'une houpe de poils de chien et de quelques plumes.

Lorsqu'ils out abattu leurs ennemis d'un coup de lance, ils emploient une autre arme pour finir de tuer; ils portent cette arme passée dans une large ceinture de paille devant le ventre, elle ressemble à line spatule au bout de la poignée de laquelle on aurait ménagé une espèce de pommeau ou nœud de retenue et enjolivé de moulures. Sa longeur est de 12 à 14 pouces; sa plus grande largeur est de 3 à 4 pouces; le milieu est épais de piès d'un pouce, du milieu vers ses bords elle va en diminuant un peu de façon que ses bords forment un tranchant obtus. Cette arme est communément d'une pierre de couleur d'ardoise, bien polie et fort dure; on en voit aussi qui font partie d'un os de baleine, ils nous ont appris par signes que lorsqu'ils avaient une fois terrassé l'ennemi avec la lance, ils sautaient dessus et finissaient de les assommer avec cet instrument. La dernière pièce de leurs armes consiste dans un os de baleine qui m'a paru être une côte à laquelle ils laissent la forme naturelle, excepté qu'au petit bout ils font un enjolivement qui ressemble a l'extrémité de ces os de mort qu'on peint en sautoir sur les écussons des enterrements; comme tout le monde ne peut avoir de ces os de baleine, ils en font avec du bois à qui ils donnent la même forme, le gros bout est arrondi, un peu aplati et le

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bord tranchant. Ils nous ont fait signe qu'ils frappent à la tête, vers les tempes avec cet instrument, sa courbure et sa figure en font paraître l'usage singulier.

Si la Nouvelle-Zélande n'est qu'un même continent comme il paraît, il est vraisemblable que tous les peuples qui l'habitent se servent des mémes armes; les peuples de la partie où aborda Tasman doivent en faire usage, or il me semble bien surprenant qu'avec de pareilles armes, ils lui aient tué 3 ou 4 hommes dans son bateau, comme il est dit dans l'histoire générale des voyages.

Le chef du village vis à vis duquel nous mouillâmes la dernière fois, c'est-à-dire à l'Anse du Refuge, pris de beaux sentiments envers nous, nous engagea un jour à grimper jusque sur le sommet de la citadelle lorsque nous fûmes sur l'esplanade, il prit une lance et la brandissant en divers sens, il nous marqua de quelle façon ils se défendaient lorsqu'on les attaquait. Il fit entendre que s'il restait quelque ennemi sur le champ de bataille, ils le coupaient par morceaux et se le distribuaient pour le manger, et ses signes n'étaient point équivoques. Celui que nous avons en notre pouvoir, que je crois un des grands de l'endroit, s'est expliqué encore plus clairement; il nous a fait signe qu'ils saisissaient leurs ennemis par la touffe de cheveux qu'ils ont sur le sommet de la tête et lui assainaient un coup de leur spatule par la tempe, qu'après l'avoir tué ils séparaient les 4 membres, ouvraient le ventre en croix, en arrachaient les intestins, coupaient en morceaux le tronc du corps ainsi que les membres et distribuaient aux assistants pour être mangés, je'ne puis dire s'ils mangent crûs ces affreux mets ou s'ils les font cuire.

Ces peuples se font entre eux de cruelles guerres; le grand chef de l'anse Chevalier nous a indiqués qu'il était en inimitié avec unautre chef et qu'il nous aurait obligation de lui aider à faire la guerre à son ennemi. Cette proposition m'a fait croire qu'ils n'avaient guère d'autres motifs d'armer les uns contre les autres que leur féroce voracité, et que nous croyant bien armés, il eût été bien aise que nous lui procurassions quelque bon repas, car pendant tout le temps que nous sommes restés, nous n'avons appris aucun acte d'hostilité de la part de ses ennemis et la tranquillité qui paraît régner partout annonce une paix générale, ou peut-étre était-ce un piège qu'il nous tendait, s'imaginant que si nous acceptions la proposition, il nous conduirait dans des lieux oû il aurait bon marché de nous et se régalerait à plaisir de la chair de ces hommes blancs, les premiers qu'il eût vus.

Ces peuples m'ont paru d'un génie fort borné, leurs armes, leurs fortifications sont encore au berceau, sans doute que

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leur tactique est au meme degré de perfection, ils ne soupçonnent pas seulement l'avantage qu'il pourraient tirer de la fronde; s'ils lancent quelques pierres, c'est à la main. Combien sont ils plus éloignés de la connaissance de l'arc et des flèches? Ils font quelques ouvrages de bois qui, de loin, paraissent assez bien et ressemblent à des pièces d'anciens meubles travaillés à jour, mais lorsqu'on les voit de près, on voit que cela est fait très grossièrement; il est vrai qu'ils n'ont pas d'outils commodes n'ayant pas la connaissance du fer. On peut voir par ce que j'ai rapporté que le génie de ces Barbares ne s'est pas mieux employé dans les arts du premier nécessaire comme dans l'agriculture et dans la tisseranderie. Pour la pêche, s'ils en connaissent les instruments, ils ont été pour ainsi dire forcés à cette connaissance par l'abondance prodigieuse du poisson le long de leur côte. Ils sont d'un naturel timide, mais paresseux au dernier point, traitres, voleurs, défiants, cherchant à surprendre, sans beaucoup de mesure, cequi prouve encore le peu d'étendue de leurs lumiéres, car il m'a paru qu'ils ne faisaient pas la moindre attention aux conséquences.

Le chef invita un jour notre aumônier à aller avec lui à des cases où il allait avec sa femme et quelque monde. Il fit semblant de se rendre à son invitation et il marchait assez éloigné de lui. En chassant il s'aperçut qu'en chemin sa cour grossit du triple de ce qu'elle était et que ses courtisans étaient armés de leurs longues lances, de leurs spatules, et de leurs côtes de baleine. Il était seul et déjà hors de la portée de la voix de notre monde. Il s'aperçut qu'il commettait une imprudence très grande de se fier ainsi à la bonne foi de ces sauvages, car quoique leurs armes ne soient pas redoutables, un coup de traître est bientôt fait. Il prit donc le parti de rejoindre nos gens, et d'un air de confiance, voulut prendre congé du chef. Son lancier lui porta alors la main sur la poitrine et le chef mit la main sur son fusil, il se dégagea en riant et en leur faisant signe que cet instrument pourrait bien les tuer. Ils le laissérent partir. Lorsqu'il fut un peu éloigné, il vit la troupe se diviser et le chef resta avec 3 ou 4 personnes qui étaient d'abord avec lui. Il réfléchit alors sur l'augmentation de la suite du chef et avec quelle célérité il lui était venu du monde qui semblait naître des bruyères et combien promptement ce monde s'était dissipé chacun tirant de son côté: il soupçonna très fort, et je crois avec beaucoup de raison, son urbanité d'avoir en pour motif la voracité et son envie d'avoir son fusil, il sentait son imprudence de s'ètre même éloigné des nôtres hors la portée de la voix et se promit d'être plus circonspect à l'avenir.

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Si on peut juger de ces peuples par celui que nous avons en notre pouvoir, ils sont prodigieusement voraces. Celui-ci mange continuellement, outre qu'on lui donne abondamment de quoi faire 3 repas, il va encore demander à manger aux mate-lots et dévore tout ce qu'on lui présente de manducable; malgré cela, il nous a fait des signes qui paraissaient indiquer qu'il regrettait encore sa racine de fougère: nous avons remarqué qu'il avait les dents fort courtes, et comme nous les examinions il nous a fait signe qu'elles avaient été ainsi coupées et que c'était l'usage dans son pays. Il avait beaucoup de difficulté a prononcer les mots français, surtout ceux qui ont le son de l'S.

Je leur connais deux instruments de charpente, savor: une erminette dont le talon et le manche sont d'une seule pièce de bois, au bout du talon ils attachent une pierre de la même espèce que leurs spatules, d'environ 3 pouces de long sur un pouce ½ de large, dont le tranchant est taille à peu près comme un bec d'âne. Outre l'Erminette, ils ont un autre instrument dont je n'ai vu que l'âme. C'est une pierre d'environ 10 à 12 pouces de long sur 3 ou 4 de large, taillée en tranchant de hache par une extrémité. Je ne sais s'ils l'attachent à un manche pour s'en servir, ou s'ils s'en servent en forme de ciseau. C'est avec ces deux instruments qu'ils travaillent le bois et surtout qu'ils creusent de très gros arbres pour en faire des pirogues.

Leurs bateaux sont, en effet, d'une seule pièce de bois pointue par les deux bouts, mais les bords en sont relevés par des planches attachées fortement au bateau avec des liens de jonc. On appelle ces planches des Fargues, en terme de Marine; et les fargues ne vont pas jusqu'à la pointe de chaque extrémité. Cette pointe est converte d'un morceau de bois coupé de façon qu'il s'y adapte parfaitement. Ils font une rénure dans ce mo ceau de bois a fin d'adapter un morceau de planche en travers. Les fargues aboutissent à ce morceau de planche en travers par chaque bout et l'y attachent. Sur les deux extrémités sont placés deux morceaux de bois enjolivés d'une espèce de sculpture à jour; ces figures sont aussi ornées de plumes et de quelques touffes de poil de chien. J'ai vu quelques unes de ces pirogues qui n'avaient point de ces ornements sur le devant. Je crois que cet ornement est une marque de distinction, car j'ai remarqué qu'il n'y avait que les chefs qui eussent ces enjolivements, sans doute que les plus grands en ont à chaque bout et que les subalternes n'en ont qu'au bout de devant.

Leurs instruments de pêche sont des filets, des lignes et des hameçons. Les filets sont très grands faits comme ceux que nous nommons sènes; au lieu de plomb, ils remplissent

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de pierres une espèce de poche pratiquée dans toute la longueur du filet. La matière qu'ils emploient à faire ces filets est de jonc très fin et qui se noue fort bien ces filets sont si grands qu'il faut que tous les habitants d'un village marchent pour les tirer: aussi pensai-je que c'est un bien commun; ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils partagent entre tous le produit de la pêche; leurs lignes sont, ou plutôt leurs hameçons, sont des morceaux de racines ayant la forme comme dans la planche ci-jointe. A l'un des bouts, ils attachent un os de poisson fort pointu dont la pointe se recourbe en dedans selon la forme du bois; je doute qu'avec cet instrument ils fassent des pêches abondantes.

Leurs instruments à labourer la terre sont proportionnés au peu d'usage qu'ils font de ce premier art, comme ils ne cultivent que de très petits morceaux de terre, ils n'ont que deux instruments fort simples, l'un est un morceau de bois façonné à peu près comme une truelle, l'autre est aussi un morceau de bois de la forme d'une pioche de deux ou trois pieds de long.

Leurs chants ont une certaine modulation qui n'est pas trop barbare, mais les gestes dont ils les accompagnent sont ou lascifs ou ridicules à l'excès. Je leur ai vu deux instruments de musique. L'un est de la forme d'une olive, mais beaucoup plus gros et plus long, c'est-à-dire qu'il peut avoir environ deux pouces de long, creux dans toute sa longueur avec un trou au milieu. Ils tirent de cet instrument 5 ou 6 sons bien distincts et aussi doux que ceux de la flûte. L'autre instrument m'a paru être leur trompette de guerre. C'est un coquillage auquel est adapté un tuyau cylindrique de 3 ou 4 pouces de long; ils tirent de cet instrument le même son que de celui de la cornemuse, son qui ressemble peu à celui de la trompette commune ainsi que Tasman dit l'avoir trouvé.

Ces peuples ont quelque notion de divinité, le simulacre que plusieurs d'entre eux portent au col est certainement une idole. Cette figure semble accroupie sur ses talons, ouvrant extrêmement les cuisses, les épaules fort larges, la bouche béante, la langue pendante et laisse pendre un membre pointu comne celui d'un chien. Les signes qu'ils nous ont fait pour nous apprendre que c'était leur dieu consistaient à joindre les mains et a lever les yeux au ciel. Outre cette idole, les jambages des portes de leurs cases sont ornées de simulacres taillés en grand, mais qui m'ont paru étre dans la même attitude; ils en mettent aussi à leurs pirogues, mais faits si grossièrement qu'à peine peut-on y distinguer quelques traits, il y en a deux à chaque bout de la pirogue, je n'ai pu savoir de quelle espèce de culte ils honorent cette divinité, ni s'ils connaissent plusieurs dieux ou s'ils n'en admettent qu'un seul.

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Lorsqu'ils perdent quelqu'un de leurs parents par une mort naturelle ils nous ont fait comprendre qu'ils s'enterraient en nous faisant signe qu'ils creusaient la terre pour y mettre le cadavre, ils en font ensuite le deuil en s'égratignant le visage et sur toute la poitrine avec des coquillages qu'ils cassent pour se servir de l'endroit le plus tranchant, j'en ai vu qui avaient aussi de ces égratignures aux cuisses et m'ont paru être faites à dessein. C'est en quoi consiste tout leur deuil, je ne sais s'ils en usent de même pour ceux des leurs qui, etant tués ou pris en guerre, sont mangés par leurs ennemis.

Leur manière de se saluer a quelque chose d'original: celui qui reçoit le salut est assis par terre et celui qui le donne s'avance vers lui et lui applique l'extrémité de son nez sur l'extrémité du sien; ils restent dans cette posture l'espace d'une demiminute et ensuite ils se parlent, car ce salut se fait sans paroles. C'etait quelque chose de risible de voir notre capitaine en user de même à l'égard des chefs de ces barbares qui ne faisaient point de difficultés de s'asseoir pour recevoir son salut.

Les femmes vont dans les pirogues et manient la pagaie aussi bien que les hommes, elles portent leurs enfants sur le dos, converts de leur natte; il y a apparence qu'elles vont aussi à la pêche, d'ailleurs je n'ai pas remarqué qu'elles prissent plus de part au ménage que les hommes.

Ces peuples sont extrèmement malpropres; ils mangent les poux que la saleté produit sur le corps, mais ils ne mangent pas ceux de la tête. J'en ai vu plusieurs qui avaient des dartres et une espèce de rogne ou gale que je crois être le fruit de leur malpropreté.

Tout le terrain de cette côte m'a paru d'une qualité audessous de la médiocre, dans les vallées ce n'est que du sable couvert d'une croûte legère de terre formée par la pourriture des feuilles et des herbes. Les montagnes n'offrent qu'un terrain pierreux plein d'une craie rougeâtre, entièrement pelé en quelques endroits, et ces endroits m'ont paru être terre calcaire. Les ruisseaux qui arrosent les vallées ne contribuent qu'à y faire venir la bruyère plus haute et plus fournie, ainsi que le jonc et la fougère. Voila quelles sont les productions naturelles de ce terrain. Parmi la bruyère, j'ai remarqué 2 espèces d'arbrisseaux qui m'ont paru mériter l'attention; aussi en ai-je pris de la graîne. L'une a quelque rapport avec le genièvre pour la forme, mais son odeur est bien différente; si on en frotte les feuilles avec les doigts on y trouve une odeur de rose. L'autre arbrisseau n'a aucune odeur, mais il vient fort touffu et d'un beau vert, les feuilles ressemblent à celle de l'orge en herbe, mais elles ne sont pas si longues. L'un et l'autre de ces

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arbrisseaux sembleraient devoir faire un joli effet dans un jardin, s'ils étaient taillés. Les arbres n'y sont pas communs, on en trouve seulement quelques touffes dans les vallons, le long des ruisseaux, dans les crevasses des roches, sur le penchant des collines, le long de la mer. Parmi ces arbres, je n'en ai remarqué que deux dignes d'attention. L'un porte un fruit qui a la forme d'une olive, mais il est plus gros et plus long. Ce fruit est jaune lorsqu'il a atteint son degré de maturité, sa chair qui est peu épaisse est couverte d'une pellicule aussi mince que celle de la prune; cette chair couvre une coque qui n'a pas la dureté de celle de la prune puisqu'on la casse facilement avec les dents et qu'elle a quelque flexibilité. Cette coque renferme une amande couverte d'une peau brune et membraneuse qui se lève facilement et laisse sur la surface de l'amande l'impression bien marquée de la ramification de la membrane. Cette amande dépouillée de la peau se partage en deux comme le gland; elle est d'une grande blancheur, dure à manger et d'une amertune assez forte. L'arbre qui produit ce fruit vient haut et touffu, les feuilles ressemblent assez à celle de laurier d'Espagne, mais elles ne m'ont pas paru tout à fait si grandes. La chair qui couvre la coque n'a pas mauvais goût. Le bois de cet arbre est fort dur, quelques personnes disent qu'il s'en trouve beaucoup en Amérique.

L'autre arbre dent j'ai parlé produit de gros bouquets de fleurs d'un rouge assez tendre, lesquelles mêlées parmi la verdure forment un coup d'œil fort agréable, je n'ai vu ancun fruit de cet arbre qui vient fort haut.

Ce pays tout ingrat et stérile qu'il m'a paru nous a fourni des plantes dont l'usage a produit un effet surprenant sur nos maladies, savoir: deux espèces de cresson dont l'un pousse une tige droite et assez haute, les feuilles sont longues et s'élargissent vers leurs extrémités plus que dans le milieu, elles sont découpées. Cette plante n'a la forme d'aucun cresson connu en Europe, mais elle a le goût très fort jusqu'à faire venir les larmes aux yeux lorsqu'on en mange une certaine quantité de crue tant son suc est mordant. L'autre espèce a la feuille arrondie à peu près comme celle du cresson d'eau, les tiges sont fortes et par conséquent rampantes, son goût est celui du cresson, mais sa force est inférieure à celle de notre cresson d'eau. La dernière espèce de plante dont je veux parler est une espèce d'ache qui m'a paru être du vrai cèleris, sa racine en a le goût et il n'y aurait qu'è le cultiver à la façon d'Europe pour lui en donner la forme.

Nous avons fait grand usage de ces 3 plantes, mais nos malades surtout en ont éprouvé les grands effets. Tous ceux qui ont été a terre et qui ont mangé de ces herbes, non-seulement

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ne sont pas morts, mais encore se sont remis avec une promptitude surprenante, un de ceux qui étaient le plus désespéres, qui était enflé par tout le corps, qui avait la bouche pourrie et qui avait reçu les sacrements, n'a pu être transporté à terre que deux fois, mais l'usage qu'il a fait de ces plantes à bord l'a soulagé beaucoup et en fin un mois après il e'est levé, a commencé à marcher et s'est bien porté peu après. J'ai trouvé cet effet si surprenant que j'ai cueilli quelques graines de ces deux 1éres plantes; elles croissent en abondance dans le pays; ie n'ai pu cueillir de celle d'ache parce qu'elle n'était pas alors en graine. Outre ces 3 espèces de plantes, j'en ai remarqué un bon nombre des mêmes espèces qui croissent en Europe.

J'ai parlé ailleurs des patates que ces sauvages cultivent, je dois ajouter ici qu'ils cultivent aussi des calebasses douces, mais en aussi petites quantités que des patates.

Je n'ai vu d'autres reptiles sur la terre qu'un petit lézard noir qui pouvait avoir 4 pouces de long. Les seuls quadrupèdes dont j'aie connaissance sont les chiens. Encore n'y sont-ils pas en quantité, et des rats. Les chiens sont d'une grandeur médiocre, d'un poil long et assez fin; ces peuples les nourrissent, comme nous les moutons, et les mangent de même.

Les volatiles y sont en abondance, vraisemblablement, parce que les sauvages n'ont pas assez d'industrie pour en tuer. Il y a des cailles, une espèce d'oiseau de la forme, de la grosseur et de la couleur d'un merle, exepté qu'il a sous le bec deux petits pendants rouges comme ceux des poules. Un autre oiseau de la même forme, couleur et grosseur, mais au lieu de pendant rouge sous le bec, il y a une petite houpe de plume blanche et quantité d'autres oiseaux qui n'avaient rien d'extraordinaire que de n'être pas farouches. Parmi tous j'en ai remarqué un qui m'a paru d'une plus grande petitesse que le roitelet.

Quant aux oiseaux aquatiques, nous y avons trouvé une grande quantité de canards sauvages, de courlieus, d'alouettes de mer, de bécassines et une autre espèce d'oiseau dont le plumage est noir, les pattes et le bec rouges, de la forme, de la longueur d'une bécasse, mais aplati en sens contraire au bec des oies et des canards, il a une petite membrane qui joint ses doigts, mais elle ne s'étend pas à plus d'un quart de la distance qu'il y a de la naissance à l'extrémité des doigts, aussi cet oiseau ne se pose-t-il que sur le rivage de la mer. Il a un pied et demi de l'extrémité du bec à l'extrémité de la queue qui n'est pas bien longue, il est gros comme une poule, fort charnu, d'un excellent goût, mais il faut l'écorcher.

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On trouve sur ces rivages, parmi le goémon que la mer y laisse en se retirant, des morceaux de résine ou de bitume de figure à peu près ronde de couleur jaune transparence, friable, légère, inflammable, d'une odeur beaucoup plus suave que celle de la résine, mais cependant qui en approche. Cette production qui me parait curieuse et digne de l'attention des naturalistes semble être de la classe des ambres.

Le tabac n'est point connu de ces peuples, j'aurais du faire la même remarque à la description que j'ai faite des terres arsacides dont les habitants n'en ont également aucune connaissance.

Nous avons fait à ces peuples des présents bien précieux s'ils savent les connaître, savoir du blé, en leur indiquant par signe comme il faut le semer, le recueillir, l'écraser pour en faire de la farine, la réduire en pâte et la cuire pour avoir du pain qu'il ont trouvé fort bon, on leur a donné des poids et du riz en paille, mais je doute que ce terrain soit propre à produire du riz, enfin on leur a donné deux petits cochons, mâle et femelle, une poule et un coq, les seuls qui nous restaient, encore sontils de la rès petite espèce b'anche et pattue qu'on élevait à bord par curiosité; c'est tout ce qu'on a pu faire dans la disette où nous étions; s'ils savent avoir soin de toutes ces choses, il y en a assez pour en multiplier les espèces; mais leur paresse est si grande qu'il y a à craindre qu'on ait semé dans une terre fort ingrate.