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La Nouvelle-Zélande

Préface

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Préface

L’observateur qui séjourne dans un pays lointain ne possède pas toujours la belle assurance du Globe-Trotter qui passe. Il sait trop pour faire état de son savoir; aussi ses notes substantielles et réfléchies ne verraient-elles presque jamais le jour sans l’occasion qui parfois l’oblige à les consulter.

L’occasion, M. Étienne, qui dirige en France le mouvement colonial, l’a fait naître quand, au début de 1902, il me proposa de réserver une séance de la Société de Géographie à M. le comte de Courte, consul de France en Nouvelle-Zélande. C’est à cette circonstance que je dois aujourd’hui l’honneur de présenter au public le livre dont cette conférence est en quelque sorte la préface en même temps que le point de départ.

Sur le ton de l’entretien, sans prétention aucune, M. de Courte nous a transportés aux antipodes à la suite d’Abel Tasman, qu’un normand, Binot Paulmier de Gonneville, avait dû précéder dès le début du xvie siècle dans les parages de la Nouvelle-Zélande. Si Cook a, le premier, posé le pied sur ces îles, Surville, d’Entrecasteaux, Dumont d’Urville, y ont représenté avec éclat nolre marine d’exploration Dès 1825, nos missionnaires et nos colons s’établissaient dans l’ìle du Sud et, quinze ans après, sous le page breakrègne de Louis-Philippe, peu s’en fallut que la frégate Aube arborât définitivement notre pavillon dans la péninsule d’Akaroa.

La Nouvelle-Zélande, qui ne compte pas moins de huit cent mille européens et de quarante mille indigènes, figure, on le sait, dans l’hémisphère austral une Italie renversée, dont les deux extrémités correspondraient d’une part au centre de la France, de l’autre au nord de l’Afrique. Séduit par la salubrité de son climat, le charme et la variété de ses paysages, M. de Courte nous a promenés sur les côtes déchiquetées du Sud-Ouest, comparables au fjords de Norvège, au milieu de pics fantastiques comme celui de la Mitre qui se dresse dans l’encadrement du Milford Sound. Dans la région des lacs chauds de l’île du Nord, autour de Rotorua, il m’a semblé, tandis que défilaient les projections, reconnaître certains coins du Parc national que les Américains ont surnommé la Terre des Merveilles et dont les geyzers, surmontés de leur panache de vapeurs sulfureuses, sont encore, à vingt ans de distance, présents à mes yeux.

Choses et gens, pour qui se mêle à la vie néo-zélandaise, offrent dans cette colonie rapidement émancipée un champ de recherches indéfini. Tandis que l’économiste se complaît dans l’étude du sol et de ses produits, du sous-sol et de ses mines, de la campagne et de la ville, l’ethnographe observe le Maori, si différent de l’Australien, fouille son passé et s’efforce d’élucider le problème de la migration des races polynésiennes. Le colonial s’intéresse à cette population qui évolue vers la civilisation occidentale, comme aux progrès de la race blanche dont le génie se développe à sa guise sous le regard paternel d’un gouverneur qui se contente de personnifier la mère patrie sans page breakempiéter sur les attributions d’un cabinet responsable.

De toutes les sociétés anglo-saxonnes qui forment des États autonomes à l’ombre du drapeau britannique, la plus audacieuse est celle qui nous occupe. Le Néo-Zélandais étonne et parfois déconcerte par la hardiesse de ses conceptions. Les questions politiques et sociales, qui dans la vieille Europe suscitent de perpétuels débats, sont à Wellington sujets d’expérience.

Sans prendre parti, sans sortir de son rôle d’observateur impartial, M. de Courte s’est contenté de constater sans conclure dans un domaine qui n’était plus celui de l’histoire ou de la géographie. Le succès de sa communication, si variée d’aspects, l’a décidé à relire ses carnets.

Un livre en est sorti, dans lequel de jolis croquis de la vie publique et privée aux Antipodes remplacent avantageusement une étude dogmatique. Les ouvrages qui s’occupent de la Nouvelle-Zélande, anglais pour la plupart, empliraient une bibliothèque, et M. le comte de Courte les connaît mieux que personne. Aussi, sans prétendre découvrir ou professer, il renseigne, et son œil exercé va chercher le détail typique, le fait important, passant avec une sagacité particulière des merveilles de la nature au monde des idées.

Il aime ces paysages qu’il nous a si joliment décrits; mais l’homme surtout l’intéresse. Il le saisit au parlement, dans le monde, à son foyer: il suit l’enfant à l’école, cause avec la femme des travaux du ménage ou des détails de sa toilette; il la rencontre aussi un jour de vote dans l’exercice de ses fonctions électorales et passe avec elle de la mode à la politique pour aboutir à la législation ouvrière.

Ici, le ton devient plus grave, et l’auteur analyse avec une attention toute spéciale la loi sur l’arbitrage « fonde-page breakment de tout l’édifice législatif actuel qui, en imposant la conciliation obligatoire, reconnaît à l’État le droit de s’ingérer dans les litiges entre particuliers, même sans le consentement préalable de toutes les parties ». Protégé par la loi, soutenu par le Gouvernement, jouissant de salaires énormes mais vite dépensés, le prolétaire saurat-il, en sage, se contenter de son bien-être actuel ou le compromettra-t-il par des exigences croissantes? L’avenir nous le dira, répond M. de Courte. Fidèle à son programme, il se dispense de conclure, et quand il soulève après la question sociale celle de la fédération australienne, derrière laquelle apparaît la fédération impériale de toutes les possessions où flotte l’Union Jack, il observe la même réserve.

Le livre de notre consul en Nouvelle-Zélande a, d’ailleurs, une véritable portée pratique en ce qu’il nous permet de suivre aux Antipodes les résultats d’une expérience dont nous ne faisons pas les frais. Au point de vue colonial, il met en valeur les méthodes qui ont permis à l’Angleterre d’assurer la prospérité de cette possession lointaine sans charges appréciables pour la mère patrie.

Hulot.