La Nouvelle-Zélande
Chapitre II Historique abrégé de la découverte et de la colonisation
Chapitre II Historique abrégé de la découverte et de la colonisation.
1 Chien en espagnol se dit « perro ».
Dans un récit de voyage publié à Paris, en 1663, et intitulé « Mémoire touchant l’établissement d’une mission chrétienne dans la terre australe, par F. P. D. G., prêtre Indien », il est dit qu’un certain Binot-Paulmier de Gonneville, natif d’Harfleur, en Normandie, y aurait touché, dès l’année 1504. Il passa, du moins, six mois dans un pays que, d’après l’itinéraire suivi, on croit n’avoir pu être autre que la Nouvelle-Zélande. Son navire était à l’ancre dans une rivière qu’il représente comme aussi large que l’Orne près de Caen. Ayant ramené avec lui un indigène, il le maria à l’une de ses parentes, et le petit-fils de ce naturel fut l’auteur, un siècle et demi plus tard, de la relation du voyage de Gonneville, transmise oralement, tous les papiers du navigateur normand ayant été détruits dans un combat avec un navire anglais. L’anonyme « prêtre indien », comme s’intitule le descendant du compagnon de Gonneville. avait fait le vœu de retourner dans la terre de ses ancêtres pour les convertir au christianisme, mais il ne put l’accomplir. Ce qu’il y a de curieux, c’est que la description faite, dans le récit du voyage de Gonneville, des mœurs et coutumes des habitants de la terre australe inconnue, reproduit, avec une fidélité surprenante, celles conservées par les Maoris à l’arrivée des colons, au commencement du xixe siècle.
1 Aujourd’hui la Tasmanie.
Pensant qu’il ne pourrait obtenir, après cela, des naturels, les provisions dont il avait besoin pour son équipage, le chef de l’expédition néerlandaise fit voile vers le nord, en suivant la côte ouest. Il doubla l’extrémité de l’île septentrionale, qu’il appela cap Maria van Diemen, et, ayant aperçu, le 6 janvier 1643, fête de l’Epiphanie, trois îlots situés quelques milles plus au nord, il les nomma les Trois-Rois, en l’honneur des Mages. Puis il regagna les tropiques, sans avoir débarqué sur la terre qu’il venait de découvrir.
Après le voyage de Tasman, l’oubli se fait durant plus d’un siècle autour de la Nouvelle-Zélande. Ce n’est qu’en 1769 que, le premier, Cook devait mettre le pied sur cette terre. Le célèbre navigateur anglais, quittant les îles de la Société où il avait été observer le passage de Vénus, piqua droit sur le sud, toujours à la recherche du fameux continent polaire, à l’existence duquel il croyait encore. L’îlot de Tauranga, sur la côte est, dans le district d’Auckland, est, dit-on, le premier point où il atterrit. On ne se rend pas bien compte du motif qui le porta à donner à cette baie le nom de baie de la Pauvreté, car la région est loin d’être infertile.
En 1814, les missionnaires firent leur apparition et, vers 1825, arrivèrent d’Angleterre les premiers colons sérieux qui s’établirent à Hokianga. Dumont d’Urviile, à bord de l’Astrolabe, croisait, en 1827, sur les côtes de la Nouvelle-Zélande, et l’on put croire, vers 1831, que le gouvernement français allait se décider à coloniser le pays. C’est du moins le bruit que firent courir les missionnaires anglais. Sur leur demande, un certain M. Busby, magistrat australien, fut envoyé à la baie des Iles, deux ans plus tard, avec des pouvoirs assez mal définis. Mais le gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud, à son instigation, reconnut une prétendue confédération des tribus néo-zélandaises: le but des missionnaires était atteint. La confédération ayant reçu un drapeau confectionné par un Américain sur le page 34modèle du pavillon des États-Unis, le fantaisiste drapeau eut l’honneur d’un salut de vingt et un coups de canon par un vaisseau du roi d’Angleterre. Ces événements attirèrent, de nouveau, l’attention de l’Europe sur la colonie des antipodes et, devançant M. de Tonneins, avoué de Périgueux, qui devait plus tard se proclamer roi d’Araucanie, un Français, le baron de Thierry, prétendit, en 1835, se créer un royaume en Nouvelle Zélande.
Fils d’un émigré, il avait assisté, disait-il, au congrès de Vienne, en qualité d’attaché à la Légation portugaise, puis on l’aurait connu, plus tard, officier de cavalerie en Angleterre. Toujours est-il qu’à l’époque dont nous parlons, une proclamation parvenait à M. Busby dans laquelle « Charles, baron de Thierry, chef souverain de la Nouvelle-Zélande et roi de Nunuheva » (sic) annonçait l’intention de venir s’établir dans son royaume. Il ne s’y rendit pourtant qu’en 1839, accompagné d’une centaine d’Européens, recrutés un peu partout, mais ne put jamais faire reconnaître son autorité par les Maoris. Peu à peu ses compagnons l’abandonnèrent, et il mourut, vers le milieu du siècle, pauvre et oublié. Les seuls souvenirs de son éphémère royauté sont un brevet d’amiral accordé à un baleinier et une route royale de quelques centaines de mètres entre la mer et son palais d’Hokianga.
Sa méthode était simple. Il rassemblait quelques natifs, leur faisait demander par des interprètes comment s’appelaient tels ou tels points. Il ajoutait: « Voulez-vous vendre cette rivière, cette montagne, cette côte, ces îles, etc., pour tel ou tel objet. » Les Maoris répondaient invariablement « oui ». Ils eussent aussi bien vendu la mer ou la lune. Et le marché était conclu.
Pour réglementer cette façon un peu scandaleuse de se constituer des titres de propriété, il était nécessaire d’édicter des lois. Mais au nom de qui? C’est alors qu’on imagina d’annexer la Nouvelle-Zélande. Pour ce faire, il ne fallait pas songer à hisser le drapeau anglais et proclamer la souveraineté britannique, puisque, en 1834, Guillaume IV avait formellement reconnu la Confédération des Tribus unies de la Nouvelle-Zélande et que la reine elle-même avait accrédité près de la susdite Confédération un consul. On imagina alors de faire céder par le prétendu Etat tous ses droits de souveraineté à la reine Victoria. Ce fut le fameux traité de Waitangi (5 février 1840), origine de la domination britannique en Nouvelle-Zélande. Une vingtaine de chefs, que l’on avait eu soin de faire auparavant bien manger et bien boire, signèrent un traité en trois articles, par lequel, au nom de leurs tribus respectives, ils cédaient à Sa Majesté la reine d’Angleterre, sans aucune exception ni réserve, tous leurs droits de souveraineté sur la Nouvelle-Zélande.
1 New-Zealand past and present, vol. II, p. 16, by Arthur Chapman, surgeonmajor, 58e régiment, John Murray, Albemarle-street, London, 1859.
D’ailleurs, les Maoris avaient si peu la conception de la souveraineté territoriale et de la propriété telles que les entendent les peuples civilisés, que certains élevèrent plus tard la prétention de faire payer à des Européens l’usage de la mer où ceux-ci se baignaient! Aujourd’hui, du reste, tous les Anglais de bonne foi conviennent très volontiers que le fameux traité n’était pas sérieux. « Mais il nous a permis, disent-ils, de nous assurer la possession du pays, et c’était là l’essentiel! » John Bull, on le sait, n’est pas sentimental, mais pratique, surtout en matière d’annexion. La difficulté légale étant écartée par « le traité », la souveraineté de la reine fut proclamée, le 21 mai 1840, dans l’île du Nord, et sur l’île du Milieu, un peu plus tard.
Tandis que les Anglais agissaient dans l’île du Nord, les Français, au sud, ne restaient pas inactifs. Dès 1825, des compatriotes à nous s’étaient établis dans l’île Méridionale, et des missionnaires de notre pays évangélisaient les Maoris. Vers 1837, un ancien capitaine marin, nommé Langlois, qui avait habité la Nouvelle-Zélande, revenant en France, parvint à fonder une compagnie qui, sous le nom de Société Nanto-Bordelaise, acheta une grande quantité de terres dans la fertile péninsule d’Akaroa et y établit des colons français. La Société intéressa le Gouvernement à sa cause, et une frégate, l’ Aube, convoyant un vaisseau d’émigrants, le Comte de Paris, reçut mission de prendre possession de l’île du Milieu au nom du roi Louis-Philippe. Mais elle ne fit pas suffisamment diligence, et lorsqu’elle arriva à Akaroa, le 13 août 1840, le pavillon anglais y avait été arboré depuis le 11. Quand on voit ce qu’est la colonie aujourd’hui, il est permis de trouver regrettable que nous en ayons manqué la possession de quarante-huit heures!
Le Comte de Paris suivait l’Aube à trois jours de distance.
page 38On juge de la cruelle déception des passagers à la vue de l’Union Jack flottant sur une terre qu’ils croyaient française. Ils acceptèrent cependant le fait accompli. Lorsque, plusieurs années après, la Société Nanto-Bordelaise vendit ses propriétés au Gouvernement néo-zélandais, ayant réussi, ils aimèrent mieux rester à Akaroa que de se rendre à Taïti, dont la France venait d’assumer le protectorat. Le dernier de ces courageux colons est mort tout récemment; sa postérité se compose de plus de cent enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
De 1843 à 1848 le Gouvernement de Nouvelle-Zélande eut à réprimer plusieurs révoltes de Maoris. L’absorption par l’État de l’ancienne « New-Zealand Company » marque l’année 1850, et c’est en 1852 que fut accordé, par le Cabinet de Londres, la constitution qui faisait de la colonie un « self-government ». Elle n’a cessé depuis lors de se gouverner elle-même. La grande révolte des Maoris, qui dura de 1864 à 1870, a retardé, pendant quelques années, les progrès de la civilisation, mais depuis trente ans, celle-ci a pris un merveilleux essor. Le développement constant du pays prouve la sagesse dont fit preuve le Gouvernement anglais, en accordant à sa jeune colonie l’autonomie que réclamaient ses habitants.
La Nouvelle-Zélande reste toujours attachée à la mère-patrie. Elle se montre fière d’appartenir à l’empire britannique. Jouissant de l’avantage moral d’être membre d’une grande puissance, elle est, matériellement, aussi libre que si elle formait un État indépendant. Que pourrait-elle souhaiter de mieux? Aussi a-t-elle donné, en ces dernières années, à l’« Old Country » les preuves tangibles du plus sincère patriotisme.